518 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.
la nuit, et son ramage est très doux, suivant Frisch ; M. Hermann (a), au contraire, nous dit qu’il n’a rien d’agréable : opposition qui peut se concilier par les différents temps où ces deux observateurs ont pu l’entendre, la même différence pouvant se trouver au sujet de notre rouge-gorge pour quelqu’un qui n’aurait ouï que son cri ordinaire, et non le chant mélodieux et tendre du printemps, ou son petit ramage des beaux jours de l’automne.
La gorge-bleue aime autant à se baigner que le rouge-gorge, et se tient plus que lui près des eaux ; elle vit de vermisseaux et d’autres insectes, et dans la saison de son passage elle mange des baies de sureau (b). On la voit par terre aux endroits marécageux, cherchant sa nourriture et courant assez vite en relevant la queue, le mâle surtout, lorsqu’il entend le cri de la femelle, vrai ou imité.
Les petits sont d’un brun noirâtre, et n’ont pas encore de bleu sur la gorge ; les mâles ont seulement quelques plumes brunes dans le blanc de la gorge et de la poitrine, comme on peut le voir dans la figure enluminée, n° 610, fig. 3, qui représente la jeune gorge-bleue avant sa première mue. La femelle ne prend jamais cette gorge bleue tout entière, elle n’en porte qu’un croissant ou une bande au bas du cou, telle qu’on peut la voir dans la fig. 2 de la même planche ; et c’est sur cette différence et sur la figure d’Edwards, qui n’a donné que la femelle (c), que M. Brisson fait une seconde espèce de sa gorge-bleue de Gibraltar (d), d’où apparemment l’on avait apporté la femelle de cet oiseau.
Entre les mâles adultes, les uns ont toute la gorge bleue, et vraisemblable- ment ce sont les vieux, d’autant que le reste des couleurs et la zone rouge de la poitrine paraissent plus foncés dans ces individus ; les autres, en plus grand nombre, ont une tache, comme un demi-collier, d’un beau blanc, dont Frisch compare l’éclat à celui de l’argent poli (e) ; c’est d’après ce caractère que les oiseleurs du Brandebourg ont donné à la gorge bleue le nom d’oiseau à miroir.
Ces riches couleurs s’effacent dans l’état de captivité, et la gorge-bleue mise en cage commence à les perdre dès la première mue. On la prend au filet comme les rossignols, et avec le même appât (f). Dans la saison où ces oiseaux deviennent gras, ils sont, ainsi que tous les petits oiseaux à chair délicate, l’objet des grandes pipées : ceux-ci sont néanmoins assez rares et même inconnus dans la plupart de nos provinces ; on en voit au temps du
(a) Docteur et professeur en médecine et en histoire naturelle à Strasbourg, qui a bien voulu nous communiquer quelques faits de l’histoire naturelle, de cet oiseau.
(b) Frisch.
(c) Tome Ier, page 28, planche 28.
(d) Ornithologie, t. II, p. 416.
(e) Apparemment M. Linnæus se trompe en donnant cette couleur comme un blanc terne et jaunâtre : « Macula flavescente albedine cincta. » Fauna Suecica.
(f) Le ver de farine.