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LE BEC-FIGUE. 507

Ces oiseaux, dont le véritable climat est celui du Midi, semblent ne venir dans le nôtre que pour attendre la maturité des fruits succulents dont ils portent le nom ; ils arrivent plus tard au printemps, et ils partent avant les premiers froids d’automne. Ils parcourent néanmoins une grande étendue dans les terres septentrionales en été, car on les a trouvés en Angleterre (a), en Allemagne (b), en Pologne (c), et jusqu’en Suède (d) ; ils reviennent dans l’automne en Italie et en Grèce, et probablement vont passer l’hiver dans des contrées encore plus chaudes. Ils semblent changer de mœurs en changeant de climat, car ils arrivent en troupes aux contrées méridionales, et sont au contraire toujours dispersés pendant leur séjour dans nos climats tempérés ; ils y habitent les bois, se nourrissent d’insectes, et vivent dans la solitude ou plutôt dans la douce société de leur femelle ; leurs nids sont si bien cachés qu’on a beaucoup de peine à les découvrir (e) ; le mâle, dans cette saison, se tient au sommet de quelque grand arbre, d’où il fait entendre un petit gazouillement peu agréable et assez semblable à celui du motteux. Les bec-figues arrivent en Lorraine en avril, et en partent au mois d’août, même quelquefois plus tôt (f). On leur donne dans cette province les noms de mûriers et de petits pinsons des bois, ce qui n’a pas peu contribué à les faire mécon- naître ; en même temps on a appliqué le nom de bec-figue à la petite alouette des prés, dont l’espèce est très différente de celle du bec-figue ; et ce ne sont pas là les seules méprises qu’on ait faites sur ce nom. De ce que le bouvreuil paraît friand des figues en Italie, Belon dit qu’il est appelé par les Italiens beccafigi (g) ; lui-même le prend pour le vrai bec-figue dont parle Martial ; mais le bouvreuil est aussi différent du bec-figue par le goût de sa chair, qui n’a rien que d’amer, que par le bec, les couleurs et le reste de la figure. Dans nos provinces méridionales et en Italie, on appelle confusé- ment bec-figue toutes les différentes espèces de fauvettes, et presque tous les petits oiseaux à bec menu et effilé (h) ; cependant le vrai bec-figue y est bien connu, et on le distingue partout à la délicatesse de son goût.

Martial, qui demande pourquoi ce petit oiseau qui becquète également

(a) Willughby.

(b) Klein.

(c) Rzaczynski.

(d) Linnæus.

(e) « Le bec-figue niche dans nos forêts, et à juger par l’analogie, dans des trous d’ar- bres et à une grande distance de terre, comme les gobe-mouches à collier ; c’est la raison pourquoi on les découvre très difficilement. En 1767 ou 1768, ayant vu et ouï chanter un de ces oiseaux qui se tenait perché à l’extrémité d’un arbre fort élevé, je le suivis avec grande attention, et j’y revins à plusieurs fois sans pouvoir trouver ce nid, quoique toujours je re- trouvasse l’oiseau. Il avait un petit gazouillis à peu près comme le motteux et fort peu agréable ; il se perchait extrêmement haut et n’approchait guère de terre. » (Note communi- quée par M. Lottinger.)

(f) Note communiquée par M. Lottinger.

(g) Nature des Oiseaux, p. 361.

(A) Ornithol. de Salerne, p. 237.