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LE ROSSIGNOL DE MURAILLE. 499

cinq ou six œufs bleus ; les petits éclosent au mois de mai (a) ; le mâle, pen- dant tout le temps de la couvée, fait entendre sa voix de la pointe d’une roche ou du haut de quelque édifice isolé (b), voisin du domicile de sa fa- mille ; c’est surtout le matin et dès l’aurore qu’il prélude à ses chants (c).

On prétend que ces oiseaux craintifs et soupçonneux abandonnent leur nid, s’ils s’aperçoivent qu’on les observe pendant qu’ils y travaillent ; et l’on assure qu’ils quittent leurs œufs si on les touche, ce qui est assez croyable ; mais ce qui ne l’est point du tout, c’est ce qu’ajoute Albin, que dans ce même cas ils délaissent leurs petits ou les jettent hors du nid (d).

Le rossignol de muraille, quoique habitant près de nous ou parmi nous, n’en demeure pas moins sauvage ; il vient dans le séjour de l’homme sans paraître le remarquer ni le connaître ; il n’a rien de la familiarité du rouge- gorge, ni de la gaieté de la fauvette, ni de la vivacité du rossignol ; son instinct est solitaire, son naturel sauvage (e) et son caractère triste ; si on le prend adulte, il refuse de manger et se laisse mourir, ou s’il survit à la perte de sa liberté, son silence obstiné marque sa tristesse et ses regrets (f) : ce- pendant, en le prenant au nid et l’élevant en cage, on peut jouir de son chant ; il le fait entendre à toute heure et même pendant la nuit (g) ; il le perfectionne, soit par les leçons qu’on lui donne, soit en imitant celui des oiseaux qu’il est à portée d’écouter (h).

On le nourrit de mie de pain et de la même pâtée que le rossignol ; il est encore plus délicat (i). Dans son état de liberté il vit de mouches, d’arai-

(a) Schwenckfeld, Aviar., Siles., p. 346.

(b) « Canta il boscareccio la primavera, fin all’ entrar dell’ estate, lasciando di cantare covato che hà. Il suo solito è cantar alla buon ora, quando sù le fratte, quando sù qualche fabrica disabitata. » Olina, Uccell., p. 47.

(c) « Mas subinde cantillat, canitque in sublimi edificio, ut pinnasculis et summis caminis. « Primo diluculo præcipuè suaviter cantillat.» Aldrovande, Avi., t. II, p. 750.

(d) « C’est aussi le plus retenu de tous les oiseaux, car s’il s’aperçoit que vous le regar- diez pendant le temps qu’il fait son nid, il quitte son ouvrage, et si on touche un de ses œufs, il ne revient jamais dans son nid ; si on touche ses petits, il les affamera ou les jettera hors du nid, et leur cassera le cou ; ce qu’on a expérimenté plus d’une fois. » Albin, t. Ier, p. 44.

(e) « Leurs petits ressemblent beaucoup à ceux des rouges-gorges ; on ne peut les élever aisément. J’en ai conservé un tout l’hiver : il paraissait d’un naturel timide, et cependant était toujours sautant et avait le coup d’œil vif ; il apercevait d’un bout de la chambre à l’autre le plus petit insecte, et s’élançait sur lui dans un instant en faisant un cri. » Note commu- niquée par M. le vicomte de Querhoënt.)

(f) « Cet oiseau est fort bourru, de mauvaise humeur et rechigné, car si on le prend à un âge avancé, il ne jettera pas l’œil sur sa nourriture pendant quatre ou cinq jours, et lors- qu’on lui apprend à se nourrir lui-même, il reste un mois entier sans gazouiller. » Albin t. Ier, p. 44.

(g) » L’allevato in casa canta d’ogn’ora eziando la notte, e impara à fischiare, et a con- tràfar gl’altri uccelli, purche gli venga insegnato. » Olina, Uccelleria, p. 47.

(h) « Les petits, attrapés tout jeunes, deviennent doux et apprivoisés ; ils gazouillent pendant la nuit aussi bien que pendant le jour ; ils apprennent même à siffler et à imiter d’autres oiseaux. » Albin, t. Ier, p. 44.

(i) « Et de fait, ceux qu’on a nourris en cage ne se sont trouvés de chant guères moins