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498 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

accent de tristesse : du moins, c’est ainsi qu’il nous affecte, car il n’est sans doute, pour le chantre lui-même, qu’une expression de joie et de plaisir, puisqu’il est l’expression de l’amour, et que ce sentiment intime est égale- ment délicieux pour tous les êtres. Cette ressemblance, ou plutôt ce rapport du chant est le seul qu’il y ait entre le rossignol et cet oiseau ; car ce n’est point un rossignol, quoiqu’il en porté le nom : il n’en a ni les mœurs, ni la taille, ni le plumage (a) : cependant nous sommes forcés par l’usage de lui laisser la dénomination de rossignol de muraille, qui a été généralement adoptée par les oiseleurs et les naturalistes.

Cet oiseau arrive avec les autres, au printemps, et se pose sur les tours et les combles des édifices inhabités : c’est de là qu’il fait entendre son ra- mage ; il sait trouver la solitude jusqu’au milieu des villes dans lesquelles il s’établit sur le pignon d’un grand mur, sur un clocher, sur une cheminée, cherchant partout les lieux les plus élevés et les plus inaccessibles : on le trouve aussi dans l’épaisseur des forêts les plus sombres ; il vole légèrement, et lorsqu’il s’est perché il fait entendre un petit cri (b), secouant incessam- ment la queue par un trémoussement assez singulier, non de bas en haut, mais horizontalement et de droite à gauche. Il aime les pays de montagne et ne paraît guère dans les plaines (c) ; il est beaucoup moins gros que le rossignol, et même un peu moins que le rouge-gorge ; sa taille est plus me- nue, plus allongée ; un plastron noir lui couvre la gorge, le devant et les côtés du cou : ce même noir environne les yeux, et remonte jusque sous le bec ; un bandeau blanc masque son front ; le haut, le derrière de la tête, le dessus du cou et le dos sont d’un gris lustré, mais foncé ; dans quelques in- dividus, apparemment plus vieux, tout ce gris est presque noir ; les pennes de l’aile, cendré noirâtre, ont leurs barbes extérieures plus claires et fran- gées de gris blanchâtre : au-dessous du plastron noir, un beau roux de feu garnit la poitrine au large, se porte, en s’éteignant un peu, sur les flancs, et reparaît dans sa vivacité sur tout le faisceau des plumes de la queue, ex- cepté les deux du milieu, qui sont brunes ; le ventre est blanc, les pieds sont noirs ; la langue est fourchue au bout comme celle du rossignol (d).

La femelle est assez différente du mâle pour excuser la méprise de quel- ques naturalistes qui en ont fait une seconde espèce (e) ; elle n’a ni le front blanc, ni la gorge noire ; ces deux parties sont d’un gris mêlé de roussâtre, et le reste du plumage est d’une teinte plus faible.

Ces oiseaux nichent dans des trous de murailles, à la ville et à la cam- pagne, ou dans des creux d’arbres et des fentes de rocher ; leur ponte est de

(a) « On le voit de corpulence beaucoup moindre que le rossignol des bois, étant de mœurs et de voix différentes. » Belon, Nat. des oiseaux.

(b) Belon.

(c) Olina.

(d) Belon.

(e) Linnæus, Klein.