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496 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

Mais ce serait peu pour la prévoyance de cet oiseau de s’être mis à l’abri de l’injure des éléments dans des lieux où il a tant d’autres ennemis : aussi semble-t-il employer une industrie réfléchie pour garantir sa famille de leurs attaques ; son nid, au lieu d’être ouvert par le haut ou dans le flanc, a son ouverture placée au bas, l’oiseau y entre en montant, et il n’y a précisément que ce qu’il lui faut de passage pour parvenir à l’intérieur où est la nichée, qui est séparée de cette espèce de corridor par une cloison qu’il faut surmonter pour descendre dans le domicile de la famille ; il est rond et tapissé mollement d’une sorte de lichen qui croit sur les arbres, ou bien de la soie de l’herbe nommée, par les Espagnols, mort à cobaye (a).

Par cette disposition industrieuse, le rat, l’oiseau de proie ni la couleuvre ne peuvent avoir d’accès dans le nid, et la couvée éclôt en sûreté : aussi le père et la mère réussissent-ils assez communément à élever leurs petits jusqu’à ce qu’ils soient en état de prendre l’essor. Néanmoins c’est à ce moment qu’ils en voient périr plusieurs ; les chats-marrons, les fresayes, les rats, leur déclarent une guerre cruelle et détruisent un grand nombre de ces petits oiseaux, dont l’espèce reste toujours peu nombreuse ; et il en est de même de toutes celles qui sont douces et faibles, dans ces régions où les espèces malfaisantes dominent encore par le nombre.

La femelle du cou-jaune ne pond que trois ou quatre œufs ; elle répète ses pontes plus d’une fois par an, mais on ne le sait pas au juste ; on voit des petits au mois de juin, et l’on dit qu’il y en a dès le mois de mars ; il en paraît aussi à la fin d’août, et jusqu’en septembre ; ils ne tardent pas à quitter leur mère, mais sans s’éloigner jamais beaucoup du lieu de leur naissance.

(a) « C’est une plante qu’on trouve dans les savanes à Saint-Domingue, et qui se plaît particulièrement le long des canaux d’arrosage et dans les endroits frais et humides. Le lait que contient cette plante est un poison très puissant pour les animaux ; c’est sans doute d’où lui vient son nom de mort à cobaye. » Note de M. le chevalier Deshaies.