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LE MERLE COULEUR DE ROSE[1]

Tous les ornithologistes qui ont fait mention de ce merle[NdÉ 1] n’en ont parlé que comme d’un oiseau rare, étranger, peu connu, que l’on ne voyait qu’à son passage, et dont on ignorait la véritable patrie. M. Linnæus est le seul qui nous apprenne qu’il habite la Laponie et la Suisse[2], mais il ne nous dit rien de ce qu’il y fait, de ses amours, de son nid, de sa ponte, de sa nourriture, de ses voyages, etc. Aldrovande, qui a parlé le premier des merles couleur de rose, dit seulement qu’ils paraissent quelquefois dans les campagnes des environs de Bologne, où ils sont connus des oiseleurs sous le nom d’étourneaux de mer, qu’ils se posent sur les tas de fumier[3], qu’ils prennent beaucoup de graisse, et que leur chair est un bon manger ; on en a vu deux en Angleterre que M. Edwards suppose y avoir été portés par quelque coup de vent[4] ; nous en avons observé plusieurs en Bourgogne, lesquels avaient été pris dans le temps du passage, et il est probable qu’ils poussent leurs excursions jusqu’en Espagne, s’il est vrai, comme le dit M. Klein, qu’ils aient un nom dans la langue espagnole[5].

Le plumage du mâle est distingué : il a la tête, le cou, les pennes des ailes et de la queue noires avec des reflets brillants qui jouent entre le vert et le pourpre ; la poitrine, le ventre, le dos, le croupion et les petites couvertures des ailes sont d’une couleur de rose de deux teintes, l’une plus claire et l’autre plus foncée, avec quelques taches noires répandues çà et là sur cette espèce de scapulaire qui descend par-dessus jusqu’à la queue, et par-dessous jusqu’au bas-ventre exclusivement : outre cela, la tête a pour ornement une espèce de huppe qui se jette en arrière comme celle du jaseur, et qui doit faire un bel effet lorsque l’oiseau la relève.

Le bas-ventre, les couvertures inférieures de la queue et les jambes, sont d’une couleur rembrunie ; le tarse et les doigts d’un orangé terne ; le bec mi-partie de noir et de couleur de chair ; mais la distribution de ces couleurs semble n’être point fixe en cette partie, car dans les individus que nous avons observés et dans ceux d’Aldrovande, la base du bec était noirâtre et tout le reste couleur de chair ; au lieu que, dans les individus observés par

  1. En latin, turdus roseus, merula rosea, avis incognito. Les oiseleurs des environs de Bologne l’appellent storno marino ; en espagnol, tordos ; en anglais, the roze or carnation-coloured-ouzel ; en allemand, haarkopfige-drossel. M. Brisson en a fait sa vingtième grive, t. II, p. 250.
  2. Syst. nat., édit. X, p. 170.
  3. Ornithologia, t. II, p. 626 et 627.
  4. Voyez son Histoire des oiseaux, ire partie, planche 20 ; et les additions, ive partie, p. 222.
  5. Ordo Avium, p. 71, no 37.
  1. Merula rosea Naum. [Note de Wikisource : actuellement Pastor roseus Linnæus, vulgairement étourneau roselin].