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488 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

gorge ; elle a huit pouces de vol. Le mâle diffère de la femelle en ce qu’il a plus de roux sur la tête et le cou, et celle-ci plus de cendré.

Ces oiseaux voyagent de compagnie ; on les voit arriver ensemble vers la fin d’octobre et au commencement de novembre ; ils s’abattent sur les haies, et vont de buisson en buisson, toujours assez près de terre ; et c’est de cette habitude qu’est venu son nom de traîne-buisson. C’est un oiseau peu défiant et qui se laisse prendre aisément au piège (a) ; il n’est point sauvage ; il n’a pas la vivacité des autres fauvettes, et son naturel semble participer du froid et de l’engourdissement de la saison.

Sa voix ordinaire est tremblante : c’est une espèce de frémissement doux, titit tititit, qu’il répète assez fréquemment ; il a de plus un petit ramage qui, quoique plaintif et peu varié, fait plaisir à entendre dans une saison où tout se tait : c’est ordinairement vers le soir qu’il est plus fréquent et plus soutenu. Au fort de cette saison rigoureuse, le traîne-buisson s’approche des granges et des aires où l’on bat le blé, pour démêler dans les pailles quelques menus grains. C’est apparemment l’origine du nom de gratte- paille qu’on lui donne en Brie ; M. Hébert dit avoir trouvé dans son jabot des grains de blé tout entiers ; mais son bec menu n’est point fait pour prendre cette nourriture, et la nécessité seule le force de s’en accommoder : dès que le froid se relâche il continue d’aller dans les haies, cherchant sur les branches les chrysalides et les cadavres des pucerons.

Il disparaît au printemps des lieux où on l’a vu l’hiver, soit qu’il s’enfonce alors dans les grands bois et retourne aux montagnes, comme dans celles de Lorraine, où nous sommes informés qu’il niche, soit qu’il se porte en effet dans d’autres régions, et apparemment dans celles du Nord, d’où il semble venir en automne, et où il est très fréquent en été. En Angleterre, on le trouve alors presque dans chaque buisson, dit Albin (b) ; on le voit en Suède, et même il semblerait, à un des noms que lui donne M. Linnæus (c), qu’il ne s’en éloigne pas l’hiver, et que son plumage, soumis à l’effet des rigueurs du climat, y blanchit dans cette saison ; il niche également en Allemagne (d) ; mais il est très rare, dans nos provinces, de trouver le nid de cet oiseau, il le pose près de terre ou sur la terre même, et le compose de mousse en dehors, de laine et de crin à l’intérieur ; sa ponte est de quatre ou cinq œufs d’un joli bleu clair uniforme et sans taches. Lorsqu’un chat ou quelque autre animal dangereux approche du nid, la mère, pour lui donner le change, par un instinct semblable à celui de la perdrix devant le chien, se jette au-de- vant et voltige terre à terre jusqu’à ce qu’elle l’ait suffisamment éloigné (e).

(a) « A quibusdam passere matto (appellatur), tùm propter colorera aut potiùs quod facil- limè se capiendam præbeat. » Willughby, Ornithol., p. 158.

(b) Tome III, page 25.

(c) Passer canus. Syst. nat., édit. VI, gen. 82, sp. 6.

(d) Frisch.

(e) Idem.