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passage des merles à plastron blanc, puisque peu de jours auparavant on m’en avait apporté deux de cette dernière espèce. Parmi les merles tachetés de blanc, cette dernière couleur se combine diversement avec le noir ; quelquefois elle se répand exclusivement sur les pennes de la queue et des ailes, que cependant l’on dit être moins sujettes aux variations de la couleur[1], tandis que toutes les autres plumes, que l’on regarde comme étant d’une couleur moins fixe, conservent leur noir dans toute sa pureté ; d’autres fois, elle forme un véritable collier qui tourne tout autour du cou de l’oiseau, et qui est moins large que le plastron blanc du merle précédent. Cette variété n’a point échappé à Belon, qui dit avoir vu en Grèce, en Savoie et dans la vallée de Maurienne une grande quantité de merles au collier, ainsi nommés parce qu’ils ont une ligne blanche qui leur tourne tout le cou[2]. M. Lottinger, qui a eu occasion d’étudier ces oiseaux dans les montagnes de la Lorraine, où ils font quelquefois leur ponte, m’assure qu’ils y nichent de très bonne heure, qu’ils construisent et posent leur nid à peu près comme la grive, que l’éducation de leurs petits se trouve achevée dès la fin de juin, qu’ils font un voyage tous les ans, mais que leur départ n’est rien moins qu’à jour nommé : il commence sur la fin de juillet et dure tout le mois d’août, pendant lequel temps on ne voit pas un seul de ces oiseaux dans la plaine, quel qu’en soit le nombre, ce qui prouve bien qu’ils suivent la montagne. On ignore le lieu où ils se retirent. M. Lottinger ajoute que cet oiseau, qui était autrefois fort commun dans les Vosges, y est devenu assez rare.

II.Le grand merle de montagne.

Il est tacheté de blanc, mais n’a point de plastron, et il est plus gros que la draine. Il passe en Lorraine tout à la fin de l’automne, et il est alors singulièrement chargé de graisse. Les oiseleurs n’en prennent que très rarement ; il fait la guerre aux limaçons, et sait casser adroitement leur coquille sur un rocher pour se nourrir de leur chair ; à défaut de limaçons, il se rabat sur la graine de lierre : cet oiseau est un fort bon gibier, mais il dégénère des merles quant à la voix, qu’il a fort aigre et fort triste[3].


  1. Voyez Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 606.
  2. Observations, fol. 11, verso.
  3. Je tiens ces faits de M. le docteur Lottinger.