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LA FAUVETTE A TÈTE NOIRE. 475

du printemps s’est tu, l’on entend les bois résonner partout du chant de ces fauvettes ; leur voix est facile, pure et légère, leur chant s’exprime par une suite de modulations peu étendues, mais agréables, flexibles et nuancées ; ce chant semble tenir de la fraîcheur des lieux où il se fait entendre ; il en peint la tranquillité, il en exprime même le bonheur ; car les cœurs sensibles n’entendent pas, sans une douce émotion, les accents inspirés par la nature aux êtres qu’elle rend heureux.

Le mâle a pour sa femelle les plus tendres soins ; non seulement il lui apporte sur le nid des mouches, des vers et des fourmis, mais il la soulage de l’incommodité de sa situation ; il couve alternativement avec elle ; le nid est placé, près de terre, dans un taillis soigneusement caché, et contient quatre ou cinq œufs, fond verdâtre avec des taches d’un brun léger. Les petits grandissent en peu de jours, et pour peu qu’ils aient de plumes, ils sautent du nid dès qu’on les approche, et l’abandonnent. Cette fauvette ne fait communément qu’une ponte dans nos provinces ; Olina dit qu’elle en fait deux en Italie, et il en doit être ainsi de plusieurs espèces d’oiseaux dans un climat plus chaud et où la saison des amours est plus longue.

A son arrivée au printemps, lorsque les insectes manquent par quelque retour du froid, la fauvette à tête noire trouve une ressource dans les baies de quelques arbustes, comme du lauréole et du lierre : en automne, elle mange aussi les petits fruits de la bourdaine et ceux du cormier des chas- seurs (a). Dans cette saison elle va souvent boire, et on la prend aux fontaines sur la fin d’août ; elle est alors très grasse et d’un goût délicat.

On l’élève aussi en cage, et de tous les oiseaux qu’on peut mettre en volière, dit Olina, cette fauvette est un des plus aimables (b). L’affection qu’elle marque pour son maître est touchante ; elle a pour l’accueillir un accent particulier, une voix plus affectueuse : à son approche, elle s’élance vers lui, contre les mailles de sa cage, comme pour s’efforcer de rompre cet obstacle et de le joindre, et par un continuel battement d’ailes, accom- pagné de petits cris, elle semble exprimer l’empressement et la recon- naissance (c).

Les petits élevés en cage, s’ils sont à portée d’entendre le rossignol, per- fectionnent leur chant et le disputent à leur maître (d). Dans la saison du départ, qui est à la fin de septembre, tous ces prisonniers s’agitent dans la

(a) Schwenckfeld, Avium Siles., p. 228.

(b) « Fra’gl’atri uccelletti di gabbia, e di natura allegra ; di canto soave e dilettoso, di vista vaga e gratiosa. » Olina, Uccelleria, p. 9.

(c) Olina, page 9 ; c’est d’elle que mademoiselle Descartes a dit : « N’en déplaise à mon oncle, elle a du sentiment. »

(d) La fauvette (à tête noire) que j’élevais, a formé son chant sur celui du rossignol, et a étendu sa voix au point qu’actuellement elle fait taire mes rossignols qui sont ses maîtres. » Note communiquée par M. le trésorier le Moine. — « I giovanetti presi alla ragna faranno il verso boscareccio, e piglieranno altre sorti di versi, di fanelli imparati, overo altri uccelli, imparando li nidiaci tutto quello che gli vien inseguato. » Olina, Uccelleria, p. 9.