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470 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

nent habiter nos jardins, d’autres préfèrent les avenues et les bosquets, plusieurs espèces s’enfoncent dans les grands bois, et quelques-unes se cachent au milieu des roseaux. Ainsi les fauvettes remplissent tous les lieux de la terre et les animent par les mouvements et les accents de leur tendre gaieté (a).

A ce mérite des grâces naturelles, nous voudrions réunir celui de la beauté ; mais en leur donnant tant de qualités aimables, la nature semble avoir oublié de parer leur plumage. Il est obscur et terne ; excepté deux ou trois espèces qui sont légèrement tachetées, toutes les autres n’ont que des teintes plus ou moins sombres de blanchâtre, de gris et de roussâtre.

La première espèce, ou la fauvette proprement dite (*), est de la grandeur du rossignol. Tout le manteau qui, dans le rossignol est roux brun, est gris brun dans cette fauvette, qui de plus est légèrement teinte de gris roussâtre à la frange des couvertures des ailes et le long des barbes de leurs petites pennes ; les grandes sont d’un cendré noirâtre, ainsi que les pennes de la queue, dont les deux plus extérieures sont blanches du côté extérieur, et des deux côtés à la pointe : sur l’œil, depuis le bec, s’étend une petite ligne blanche en forme de sourcil, et l’on voit une tache noirâtre sous l’œil et un peu en arrière ; cette tache confine au blanc de la gorge, qui se teint de roussâtre sur les côtés, et plus fortement sous le ventre.

Cette fauvette est la plus grande de toutes, excepté celle des Alpes, dont nous parlerons dans la suite. Sa longueur totale est de six pouces ; son vol de huit pouces dix lignes ; son bec, de la pointe aux angles, a huit lignes et demie ; sa queue deux pouces six lignes ; son pied dix lignes.

Elle habite, avec d’autres espèces de fauvettes plus petites, dans les jar- dins, les bocages et les champs semés de légumes, comme fèves ou pois ; toutes se posent sur la ramée qui soutient ces légumes ; elles s’y jouent, y placent leur nid, sortent et rentrent sans cesse, jusqu’à ce que le temps de la récolte, voisin de celui de leur départ, viennent les chasser de cet asile, ou plutôt de ce domicile d’amour.

C’est un petit spectacle de les voir s’égayer, s’agacer et se poursuivre ; leurs attaques sont légères et ces combats innocents se terminent toujours par quelques chansons. La fauvette fut l’emblème des amours volages, comme la tourterelle de l’amour fidèle ; cependant la fauvette, vive et gaie, n’en est ni moins aimante, ni moins fidèlement attachée, et la tourterelle, triste et plaintive, n’en est que plus scandaleusement libertine (b). Le mâle

(a) « L’on ne sauroit se trouver l’esté en quelque lieu ombrageux le long des eaux, qu’on n’oye les fauvettes chantant à gorge desployée, si hault qu’on les oit d’un grand demi-quart de lieue ; parquoi c’est un oiseau jà cogneu en toutes contrées. » Belon, Nat. des Oiseaux, page 340.

(b) Voyez l’article de la tourterelle, t. V, p. 514.

(*) Sylvia Orphea (Sylvia Curruca Lath.).