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464 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

abaissent tour à tour, et presque parallèlement au plan de position ; les mâles que j’ai vus avaient ce balancement singulier, mais une femelle que j’ai gardée deux ans ne l’avait pas : dans tous la queue a un mouvement propre de haut en bas, fort marqué, et qui sans doute a donné occasion à M. Linnæus de les ranger parmi les hoche-queues ou motacilles.

Les rossignols se cachent au plus épais des buissons : ils se nourrissent d’insectes aquatiques et autres, de petits vers, d’œufs ou plutôt de nymphes de fourmis ; ils mangent aussi des figues, des baies, etc. ; mais comme il serait difficile de fournir habituellement ces sortes de nourritures à ceux que l’on tient en cage, on a imginé différentes pâtées dont ils s’accommo- dent fort bien. Je donnerai dans les notes celle dont se sert un amateur de ma connaissance (a), parce qu’elle est éprouvée, et que j’ai vu un rossignol qui, avec cette seule nourriture, a vécu jusqu’à sa dix-septième année : ce vieillard avait commencé à grisonner dès l’âge de sept ans ; à quinze il avait des pennes entièrement blanches aux ailes et à la queue ; ses jambes, ou plutôt ses tarses, avaient beaucoup grossi, par l’accroissement extraordi- naire qu’avaient pris les lames dont ces parties sont recouvertes dans les oiseaux ; enfin, il avait des espèces de nodus aux doigts comme les gout- teux, et on était obligé de temps en temps de lui rogner la pointe du bec supérieur (b) ; mais il n’avait que cela des incommodités de la vieillesse ; il était toujours gai, toujours chantant comme dans son plus bel âge, toujours caressant la main qui le nourrissait. Il faut remarquer que ce rossignol n’avait jamais été apparié : l’amour semble abréger les jours, mais il les remplit, il remplit de plus le vœu de la nature ; sans lui les sentiments si doux de la paternité seraient inconnus ; enfin, il étend l’existence dans l’avenir et procure, au moyen des générations qui se succèdent, une sorte d’immortalité : grands et précieux dédommagements de quelques jours de tristesse et d’infirmités qu’il retranche peut-être à la vieillesse !

On a reconnu que les drogues échauffantes et les parfums excitaient les rossignols à chanter ; que les vers de farine et ceux du fumier leur con- venaient lorsqu’ils étaient trop gras, et les figues lorsqu’ils étaient trop

(a) M. le Moine, que j’ai déjà eu occasion de citer plusieurs fois, donne des pâtées diffé- rentes, selon les différents âges ; celle du premier âge est composée de cœur de mouton, mie de pain, chènevis et persil, parfaitement pilés et mêlés ; il en faut tous les jours de la nou- velle. La seconde consiste en parties égales d’omelette hachée et de mie de pain, avec une pincée de persil hachée. La troisième est plus composée et demande plus de façon : prenez deux livres de bœuf maigre, une demi-livre de pois chiches, autant de millet jaune ou écorcé, de semence de pavot blanc et d’amandes douces, une livre de miel blanc, deux onces de fleur de farine, douze jaunes d’œufs frais, deux ou trois onces de beurre frais et un gros et demi de safran en poudre, le tout séché, chauffé longtemps en remuant toujours, et réduit en une poussière très fine, passée au tamis de soie. Cette poudre se conserve et sert pendant un an.

(b) Les ongles des rossignols que l’on tient en cage croissent aussi beaucoup dans les com- mencements, et au point qu’ils leurs deviennent embarrassants par leur excessive longueur : j’en ai vu qui formaient un demi-cercle de cinq lignes de diamètre ; mais dans la grande vieillesse il ne leur en reste presque point.