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moins en Bourgogne, en Brie[1], et même dans la Silésie et la Frise, selon Gessner.

Il est très rare que ces merles habitent les plaines dans la partie tempérée de l’Europe : néanmoins M. Salerne assure qu’on a trouvé de leurs nids en Sologne et dans la forêt d’Orléans ; que ces nids étaient faits comme ceux du merle ordinaire ; qu’ils contenaient cinq œufs de même grosseur, de même couleur, et (ce qui s’éloigne des habitudes du merle) que ces oiseaux nichent contre terre, au pied des buissons, d’où leur vient apparemment le nom de merles terriers ou buissonniers. Ce qui paraît sûr, c’est qu’ils sont très communs en certains temps de l’année sur les hautes montagnes de la Suède, de l’Écosse, de l’Auvergne, de la Savoie, de la Suisse, de la Grèce, etc. Il y a même apparence qu’ils sont répandus en Asie, en Afrique et jusqu’aux Açores ; car c’est à cette espèce voyageuse, sociale, ayant du blanc dans son plumage et se tenant sur les montagnes que s’applique naturellement ce que dit Tavernier des volées de merles qui passent de temps en temps sur les frontières de la Médie et de l’Arménie, et délivrent le pays des sauterelles[2], comme aussi ce que dit M. Adanson de ces merles noirs tachetés de blanc qu’il a vus sur les sommets des montagnes de l’île Fayal, se tenant par compagnies sur les arbousiers, dont ils mangeaient le fruit en jasant continuellement[3].

Ceux qui voyagent en Europe se nourrissent aussi de baies. M. Willughby a trouvé dans leur estomac des débris d’insectes et des baies semblables à celles du groseillier ; mais ils aiment de préférence celles de lierre et les raisins : c’est dans le temps de la vendange qu’ils sont ordinairement le plus gras et que leur chair devient à la fois savoureuse et succulente.

Quelques chasseurs prétendent que ces merles attirent les grives, et que lorsqu’on peut en avoir de vivants, on fait de très bonnes chasses de grives au lacet ; on a aussi remarqué qu’ils se laissent plus aisément approcher que nos merles communs, quoiqu’ils soient plus difficiles à prendre dans les pièges.

J’ai trouvé, en les disséquant, la vésicule du fiel oblongue, fort petite et par conséquent fort différente de ce que dit Willughby[4] ; mais l’on sait combien la forme et la situation des parties molles sont sujettes à varier dans l’intérieur des animaux ; le ventricule était musculeux, sa membrane interne ridée à l’ordinaire et sans adhérence : dans cette membrane je vis

  1. M. Hébert m’assure qu’en Brie, où il a beaucoup chassé en toute saison, il a tué grand nombre de ces merles dans les mois d’avril et de mai, et qu’il ne lui est jamais arrivé d’en rencontrer au mois d’octobre. En Bourgogne, au contraire, ils semblent être moins rares en automne qu’au printemps.
  2. Tavernier, t. II de ses Voyages, p. 24.
  3. Voyage au Sénégal, p. 186.
  4. « Cystis fellea magna. » Ornithologia, p. 143.