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446 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

ont-ils percé leur coque et commencent-ils à implorer son secours par leurs cris répétés, c’est alors qu’elle se montre véritablement leur mère, et qu’elle se charge de pourvoir à leurs besoins jusqu’à ce qu’ils soient en état de prendre leur volée.

M. Frisch dit qu’elle fait deux pontes par an, et qu’elle établit son nid, par préférence, sous les genévriers ; mais cela doit s’entendre principalement du pays où l’observation a été faite.

La première éducation des petits réussit d’abord fort aisément ; mais dans la suite elle devient toujours plus difficile, et il est rare, comme je l’ai dit d’après M. Frisch, qu’on puisse les conserver en cage une année entière, même en leur donnant la nourriture qui leur convient le mieux, c’est-à-dire les œufs de fourmis, le cœur de bœuf ou de mouton haché menu, le chènevis écrasé, le millet ; il faut avoir grande attention, en leur donnant à manger et en leur introduisant les petites boulettes dans le gosier, de ne pas leur ren- verser la langue, ce qui pourrait les faire périr.

L’automne est la bonne saison pour tendre des pièges à ces oiseaux ; on les prend alors en grand nombre et en bonne chair à l’entrée des bois. M. Frisch remarque qu’ils suivent l’appeau, ce que ne font pas les alouettes communes ; voici d’autres différences : le cochevis ne vole point en troupes ; son plumage est moins varié et a plus de blanc ; il a le bec plus long, la queue et les ailes plus courtes ; il s’élève moins en l’air ; il est plus le jouet des vents, et reste moins de temps sans se poser : dans tout le reste les deux espèces sont semblables, même dans la durée de leur vie, je veux dire de leur vie sauvage et libre.

Il semblerait, d’après ce que j’ai rapporté des mœurs de l’alouette huppée, qu’elle a le naturel plus indépendant, plus éloigné de la domesticité que les autres alouettes, puisque, malgré son inclination prétendue pour l’homme, elle ne connaît point d’équivalent à la liberté, et qu’elle ne peut vivre longtemps dans la prison la plus douce et la plus commode ; on dirait même qu’elle ne vit solitaire que pour ne point se soumettre aux assujettissements inséparables de la vie sociale ; cependant il est certain qu’elle a une singulière aptitude pour apprendre en peu de temps à chanter un air qu’on lui aura montré (a), qu’elle peut même en apprendre plusieurs et les répéter sans les brouiller et sans les mêler avec son ramage qu’elle semble oublier parfaitement (b).

L’individu observé par Willughby avait la langue large, un peu fourchue, les cæcums très courts, et le fiel d’un vert obscur et bleuâtre, ce que ce naturaliste attribue à quelque cause accidentelle.

(a) Il n’y a peut-être que le cochevis qui apprenne au bout d’un mois ; il répète l’air qu’on lui a montré, même en dormant et la tête sous l’aile ; mais sa voix est très faible. Ædono- logie, p. 92, édition de 1773.

(b) Le cochevis peut apprendre plusieurs airs parfaitement, ce que le serin ne fait pas... Outre cela, il ne retient rien de son chant naturel,... ce qu’on ne peut ôter au serin. Traité du serin de Canarie, p. 43, édition de 1707.