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LE COCHEVIS OU LA GROSSE ALOUETTE HUPPÉE. 445

devait point pour cela soupçonner une faute dans le texte d’Aristote, car ce texte ne dit point que le cochevis quitte le pays ; il dit seulement qu’il se cache pendant l’hiver (a), et c’est un fait qu’on en voit moins dans cette sai- son que pendant l’été.

Le chant des mâles est fort élevé, et cependant si agréable et si doux, qu’un malade le souffrirait dans sa chambre (b) ; pour en pouvoir jouir à toute heure, on les tient en cage ; ils l’accompagnent ordinairement du tré- moussement de leurs ailes ; ils sont les premiers à annoncer chaque année le retour du printemps, et chaque jour le lever de l’aurore, surtout quand le ciel est serein, et même alors ils gazouillent quelquefois pendant la nuit (c), car c’est le beau temps qui est l’âme de leur chant et de leur gaieté, au con- traire, un temps pluvieux et sombre leur inspire la tristesse et les rend muets ; ils continuent ordinairement de chanter jusqu’à la fin de septembre. Au reste, comme ces oiseaux s’accoutument difficilement à la captivité et qu’ils vivent fort peu de temps en cage (d), il est à propos de leur donner tous les ans la volée sur la fin de juin, qui est le temps où ils cessent de chanter, sauf à en reprendre d’autres au printemps suivant, ou bien on peut encore conserver le ramage en perdant l’oiseau : il ne faut pour cela que tenir quelque temps auprès d’eux une jeune alouette ordinaire ou un jeune serin, qui s’approprieront leur chant à force de l’entendre (e).

Outre la prérogative de mieux chanter, qui distingue le mâle de la femelle, il s’en distingue encore par un bec plus fort, une tête plus grosse, et parce qu’il a plus de noir sur la poitrine (f). Sa manière de chercher sa femelle et de la féconder est la même que celle du mâle de l’espèce ordinaire, excepté qu’il décrit dans son vol un plus grand cercle, par la raison que l’espèce est moins nombreuse.

La femelle fait son nid comme l’alouette commune, mais le plus souvent dans le voisinage des grands chemins ; elle pond quatre ou cinq œufs qu’elle couve assez négligeamment, et l’on prétend qu’il ne faut en effet qu’une chaleur fort médiocre, jointe à celle du soleil, pour les faire éclore (g), mais les petits

(a) Φωλΰ γαρ... χαι χόρυδος. Hist. animalium, lib. viii, cap. xvi.

(b) Voyez le Traité du serin, p. 43.

(c) Frisch, à l’endroit cité.

(d) Albert prétend avoir observé que lorsque ces oiseaux restent longtemps en cage, ils deviennent borgnes à la fin, et que cela arrive au bout de neuf années (apud Gessner., p. 81). Mais Aldrovande remarque que ceux qu’on élève à Boulogne vivent à peine neuf ans, et qu’ils ne deviennent ni aveugles ni borgnes avant de mourir (Ornithol., t. II, p. 834). On voit à travers cette contrariété d’avis, qu’il y a une manière de gouverner le cochevis en cage pour le faire vivre plusieurs années, et peut-être pour lui conserver la vue, manière que M. Frisch ignorait sans doute.

(e) Frisch, ibidem.

(f) Olina, Uccelleria, p. 13.

(g) Comme ces nids sont à terre, il peut se faire que quelque personne ignorante et cré- dule ait vu un crapaud auprès, et même sur les œufs, et de là la fable que le cochevis et quelques autres espèces d’alouettes laissent aux crapauds le soin de couver leurs œufs.