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pendant cette saison rigoureuse ; ce sont ordinairement les bois les plus épais, surtout ceux où il y a des fontaines chaudes et qui sont peuplés d’arbres toujours verts, tels que picéas, sapins, lauriers, myrtes, cyprès, genévriers, sur lesquels ils trouvent plus de ressources, soit pour se mettre à l’abri des frimas, soit pour vivre ; aussi viennent-ils quelquefois les chercher jusque dans nos jardins, et l’on pourrait soupçonner que les pays où on ne voit point de merles en hiver sont ceux où il ne se trouve point de ces sortes d’arbres, ni de fontaines chaudes.

Les merles sauvages se nourrissent, outre cela, de toute sorte de baies, de fruits et d’insectes ; et comme il n’est point de pays si dépourvu qui ne présente quelqu’une de ces nourritures, et que d’ailleurs le merle est un oiseau qui s’accommode à tous les climats, il n’est non plus guère de pays où cet oiseau ne se trouve, au nord et au midi, dans le vieux et dans le nouveau continent, mais plus ou moins différent de lui-même, selon qu’il a reçu plus ou moins fortement l’empreinte du climat où il s’est fixé.

Ceux que l’on tient en cage mangent aussi de la viande cuite ou hachée, du pain, etc. ; mais on prétend que les pépins de pommes de grenade sont un poison pour eux comme pour les grives : quoi qu’il en soit, ils aiment beaucoup à se baigner, et il ne faut pas leur épargner l’eau dans les volières. Leur chair est un fort bon manger, et ne le cède point à celle de la draine ou de la litorne ; il paraît même qu’elle est préférée à celle de la grive et du mauvis dans les pays où ils se nourrissent d’olives, qui la rendent succulente, et de baies de myrte qui la parfument. Les oiseaux de proie en sont aussi avides que les hommes, et leur font une guerre presque aussi destructive ; sans cela ils se multiplieraient à l’excès. Olina fixe la durée de leur vie à sept ou huit ans.

J’ai disséqué une femelle qui avait été prise sur ses œufs vers le 15 de mai et qui pesait deux onces deux gros : elle avait la grappe de l’ovaire garnie d’un grand nombre d’œufs de grosseurs inégales ; les plus gros avaient près de deux lignes de diamètre et étaient de couleur orangée ; les plus petits étaient d’une couleur plus claire, d’une substance moins opaque et n’avaient guère qu’un tiers de ligne de diamètre. Elle avait le bec absolument jaune, ainsi que la langue et tout le dedans de la bouche, le tube intestinal long de dix-sept à dix-huit pouces, le gésier très musculeux, précédé d’une poche formée par la dilatation de l’œsophage, la vésicule du fiel oblongue et point de cæcum.