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LE CUJELIER. 425

sa première ponte avant le mois de mai, au lieu que les petits de celle-ci sont quelquefois en état de voler dès la mi-mars (a).

Enfin, il en diffère par la délicatesse du tempérament, puisque, selon la remarque du même Albin, il n’est pas possible, quelque soin que l’on prenne, d’élever les petits que l’on tire du nid ; ce qui néanmoins doit se restreindre au climat de l’Angleterre et autres semblables ou plus froids, puisque Olina, qui vivait dans un pays plus chaud, dit positivement qu’on prend dans le nid les petits de la tottovilla, qui est notre cujelier ; que dans les commen- cements on les élève de même que les rossignols, dont ils ont le chant (b), et qu’ensuite on les nourrit de panis et de millet.

Dans tout le reste, le cujelier a beaucoup de rapport avec l’alouette ordi- naire : comme elle il s’élève très haut en chantant et se soutient en l’air ; il vole par troupes pendant les froids, fait son nid à terre et le cache sous une motte de gazon ; vit de huit à dix ans, se nourrit de scarabées, de chenilles, de graines ; a la langue fourchue, le ventricule musculeux et charnu, point d’autre jabot qu’une dilatation assez médiocre de la partie inférieure de l’œsophage, et les cæcums fort petits (c).

Olina a remarqué que les plumes du sommet de la tête sont d’un brun moins obscur dans la femelle que dans le mâle, et que celui-ci a l’ongle postérieur plus long ; il aurait pu ajouter qu’il a la poitrine plus tachetée, et les grandes pennes des ailes bordées d’olivâtre, au lieu qu’elles sont bor- dées de gris dans la femelle : il dit encore qu’on prend le cujelier comme l’alouette, ce qui est vrai ; et il prétend que cette espèce n’est guère connue que dans la campagne de Rome, ce qui est contredit avec raison par les naturalistes modernes mieux instruits : en effet, il est plus que probable que le cujelier n’est point fixé à un seul pays ; car on sait qu’il se trouve en Suède selon M. Linnæus, et en Italie suivant Olina, et puisqu’il s’accom- mode de ces deux climats, qui sont fort différents, on peut croire qu’il est répandu dans les climats intermédiaires, et par conséquent dans la plus grande partie de l’Europe (d). Ces oiseaux sont assez gras en automne et leur chair est alors un fort bon manger.

Albin prétend qu’on les chasse en trois saisons, savoir : pendant l’été, temps où se prennent les petits, branchiers, qui gazouillent d’abord, mais pour peu de temps, parce que bientôt après ils entrent en mue.

Le mois de septembre est la seconde saison, et celle où ils volent en troupes et rôdent d’un pays à l’autre, parcourant les pâturages et se per- chant volontiers sur les arbres à portée des fours à chaux (e). C’est encore le

(a) Albin, t. Ier, p. 36.

(b) Willughby trouve que le chant du cujelier a du rapport avec celui du merle.

(c) Willughby, à l’endroit cité.

(d) « Habitat in Europa, » etc. Syst. nat., n° 93.

(e) Cramer, à l’endroit cité.