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420 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

L’art consiste à planter ces gluaux bien régulièrement, bien à-plomb, et de manière qu’ils puissent rester en situation tant que l’on n’y touche point, mais qu’ils puissent tomber pour peu qu’une alouette les touche en passant.

Lorsque tous ces gluaux sont plantés, ils forment un carré long qui pré- sente l’un de ses côtés au terrain où sont les alouettes : c’est le front de la chasse ; on plante à chaque bout un drapeau pour servir de point de vue aux chasseurs, et, dans certains cas, pour leur donner des signaux.

Le nombre des chasseurs doit être proportionné à l’étendue du terrain que l’on veut embrasser. Sur les quatre ou cinq heures du soir, selon que l’on est plus ou moins avancé dans l’automne, la troupe se partage en deux détachements égaux, commandés chacun par un chef intelligent, lequel est lui-même subordonné à un commandant général, qui se place au centre.

L’un de ces détachements se rassemble au drapeau de la droite, l’autre au drapeau de la gauche, et tous deux, gardant un profond silence, s’étendent chacun de leur côté sur une ligne circulaire pour se rejoindre l’un à l’autre, à environ une demi-lieue du front de la chasse, et former un seul cordon qui se resserre toujours davantage en se rapprochant des gluaux, et pousse toujours les alouettes en avant.

Vers le coucher du soleil, le milieu du cordon doit se trouver à deux ou trois cents pas du front : c’est alors que l’on donne, c’est-à-dire que l’on marche avec circonspection, que l’on s’arrête, que l’on se met ventre à terre, que l’on se relève et qu’on se remet en mouvement à la voix du chef ; si toutes ces manœuvres sont commandées à propos et bien exécutées, la plus grande partie des alouettes renfermées dans le cordon, et qui à cette heure-là ne s’élèvent que de trois ou quatre pieds, se jettent dans les gluaux, les font tomber, sont entraînées par leur chute et se prennent à la main.

S’il y a encore du temps, on forme du côté opposé un second cordon de cinquante pas de profondeur, et l’on ramène les alouettes qui avaient échappé la première fois : cela s’appelle revirer.

Les curieux inutiles se tiennent aux drapeaux, mais un peu en arrière, afin d’éviter toute confusion.

On prend jusqu’à cent douzaines d’alouettes, et plus, dans une de ces chasses, et l’on regarde comme très mauvaise celle où l’on n’en prend que vingt-cinq douzaines. On y prend aussi quelquefois des compagnies de perdrix, et même des chouettes, mais on en est très fâché, parce que ces événements font enlever les alouettes, ainsi que le passage d’un lièvre qui traverse l’enceinte, et tout autre mouvement ou bruit extra- ordinaire.

Les oiseaux voraces détruisent aussi beaucoup d’alouettes pendant l’été, car elles sont leur proie la plus ordinaire, même des plus petits ; et le coucou.