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418 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

alouettes, des chardonnerets, qui étant emportés par les vents, perdent la vue des terres, et sont contraints de venir se percher sur les mâts et les cordages des navires. » C’est par cette raison que le docteur Hans Sloane en a vu à quarante milles en mer dans l’Océan, et le comte Marsigli dans la Méditerranée (a). On peut même soupçonner que celles qu’on a retrouvées en Pensylvanie, en Virginie et dans d’autres régions de l’Amérique, y ont été transportées de la même façon. M. le chevalier des Mazis m’assure que les alouettes passent à l’île de Malte dans le mois de novembre, et quoiqu’il ne spécifie pas les espèces, il est probable que l’espèce commune est du nombre, car M. Lottinger a observé qu’en Lorraine il y en a un passage considérable, qui finit précisément dans ce même mois de novembre, et qu’alors on n’en voit que très peu ; que les passagères entraînent avec elles celles qui sont nées dans le pays ; mais bientôt après il en reparaît autant qu’auparavant, soit que d’autres leur succèdent, soit que celles qui avaient d’abord suivi les voyageuses reviennent sur leurs pas, ce qui est plus vraisemblable. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’elles ne passent pas toutes, puisqu’on en voit presque en toute saison dans notre pays, et que dans la Beauce, la Picardie et beaucoup d’autres endroits, on en prend en hiver des quantités considé- rables ; c’est même une opinion générale en ces endroits qu’elles ne sont point oiseaux de passage ; que si elles s’absentent quelques jours pendant la plus grande rigueur du froid, et surtout lorsque la neige tient longtemps, c’est le plus souvent parce qu’elles vont sous quelque rocher, dans quelque caverne, à une bonne exposition (b), et, comme j’ai dit, près des fontaines chaudes ; souvent même elles disparaissent subitement au printemps lorsque, après des jours doux qui les ont fait sortir de leurs retraites, il survient des froids vifs qui les y font rentrer. Cette occultation de l’alouette était connue d’Aristote (c), et M. Klein dit qu’il s’en est assuré par sa propre obser- vation (d).

On trouve cet oiseau dans presque tous les pays habités des deux conti-

(a) Hist. nat. de la Jamaïque, t. Ier, p. 51. — Vie du comte Marsigli, deuxième partie, p. 148.

(b) Dans la partie du Bugey située au bas des montagnes, entre le Rhône et le Dain, on a vu souvent, sur la fin d’octobre ou au commencement de novembre, une multitude innom- brable d’alouettes pendant une quinzaine de jours, jusqu’à ce que la neige, gagnant la plaine, les obligeât d’aller plus loin. Dans les grands froids qui se firent ressentir la dernière quin- zaine du mois de janvier 1776, il parut aux environs du Pont-de-Beauvoisin une si prodi- gieuse quantité d’alouettes, qu’avec une perche un seul homme en tuait la charge de deux mulets : elles se réfugiaient jusque dans les maisons et étaient fort maigres. Il est clair que dans ces deux cas les alouettes n’ont quitté leur séjour ordinaire que parce qu’elles n’y trou- vaient plus à vivre ; mais on sent bien que cela ne suffit pas pour qu’elles doivent être regardées absolument comme oiseaux de passage. Thévenot dit que les alouettes paraissent en Égypte au mois de septembre, et y séjournent jusqu’à la fin de l’année. Voyage du Levant, t. Ier, p. 493.

(c) Hist animalium, lib. viiii, cap. xvi : et ciconia latet et merula, et turtur et alauda. (d) Klein, p. 181.