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L’ALOUETTE. 417

dès qu’elles commencent à faire entendre leur ramage il faut leur donner du cœur de mouton ou du veau bouilli haché avec des œufs durs (a) ; on y ajoute le blé, l’épeautre et l’avoine mondés, le millet, la graine de lin, de pavots et de chènevis écrasés (b), tout cela détrempé dans du lait ; mais M. Frisch avertit que, lorsqu’on ne leur donne que du chènevis écrasé pour toute nourriture, leur plumage est sujet à devenir noir. On prétend aussi que la graine de moutarde leur est contraire ; à cela près, il parait qu’on peut les nourrir avec toute sorte de graine, et même avec tout ce qui se sert sur nos tables, et en faire des oiseaux domestiques. Si l’on en croit Frisch, elles ont l’instinct particulier de goûter la nourriture avec la langue avant de manger. Au reste, elles sont susceptibles d’apprendre à chanter et d’orner leur ra- mage naturel de tous les agréments que notre mélodie artificielle peut y ajouter. On a vu de jeunes mâles qui, ayant été sifflés avec une turlutaine, avaient retenu en fort peu de temps des airs entiers, et qui les répétaient plus agréablement qu’aucune linotte ou serin n’aurait su faire. Celles qui restent dans l’état de sauvage habitent pendant l’été les terres les plus élevées et les plus sèches ; l’hiver elles descendent dans la plaine, se réunissent par troupes nombreuses et deviennent alors très grasses, parce que dans cette saison étant presque toujours à terre, elles mangent, pour ainsi dire, conti- nuellement. Au contraire, elles sont fort maigres en été, temps où elles sont presque toujours deux à deux, volant sans cesse, chantant beaucoup, man- geant peu et ne se posant guère à terre que pour faire l’amour. Dans les plus grands froids, et surtout lorsqu’il y a beaucoup de neige, elles se réfu- gient de toutes parts au bord des fontaines qui ne gèlent point ; c’est alors qu’on leur trouve de l’herbe dans le gésier : quelquefois même elles sont réduites à chercher leur nourriture dans le, fumier de cheval qui tombe le long des grands chemins ; et malgré cela elles sont encore plus grasses alors que dans aucun temps de l’été.

Leur manière de voler est de s’élever presque perpendiculairement et par reprises, et de se soutenir à une grande hauteur, d’où, comme je l’ai dit, elles savent très bien se faire entendre : elles descendent au contraire en filant pour se poser à terre, excepté lorsqu’elles sont menacées par l’oiseau de proie, ou attirées par une compagne chérie ; car, dans ces deux cas, elles se précipitent comme une pierre qui tombe (c).

Il est aisé de croire que de petits oiseaux qui s’élèvent très haut dans l’air peuvent quelquefois être emportés, par un coup de vent, fort loin dans les mers, et même au delà des mers. « Sitôt qu’on approche des terres d’Europe,

dit le P. Dutertre (d), on commence à voir des oiseaux de proie, des

(a) Albin, à l’endroit cité.

(b) Voyez Olina, p. 12. De script. of 300 animais, t. p. 118. Erisch, pl. 15, etc.

(c) Voyez Olina, Uccellaria, p. 12 ; ou plutôt voyez les alouettes dans les champs.

(d) Hist. des Antilles, t. II, p. 55.