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leur chant naturel, qui n’est guère supportable qu’en pleine campagne, mais à cause de la facilité qu’ils ont de le perfectionner, de retenir les airs qu’on leur apprend, d’imiter différents bruits, différents sons d’instruments[1], et même de contrefaire la voix humaine[2].

Comme les merles entrent de bonne heure en amour, et presque aussitôt que les grives, ils commencent aussi à chanter de bonne heure ; et comme ils ne font pas une seule ponte, ils continuent de chanter bien avant dans la belle saison ; ils chantent donc lorsque la plupart des autres chantres des bois se taisent et éprouvent la maladie périodique de la mue, ce qui a pu faire croire à plusieurs que le merle n’était point sujet à cette maladie[3] : mais cela n’est ni vrai, ni même vraisemblable : pour peu qu’on fréquente les bois, on voit ces oiseaux en mue sur la fin de l’été ; on en trouve même quelquefois qui ont la tête entièrement chauve ; aussi Olina, et les auteurs de la Zoologie britannique, disent-ils que le merle se tait comme les autres oiseaux dans le temps de la mue[4], et les zoologues ajoutent qu’il recommence quelquefois à chanter au commencement de l’hiver ; mais le plus souvent, dans cette saison, il n’a qu’un cri enroué et désagréable.

Les anciens prétendaient que pendant cette même saison son plumage changeait de couleur et prenait du roux[5], et Olina, l’un des modernes qui a le mieux connu les oiseaux dont il a parlé, dit que cela arrive en automne, soit que ce changement de couleur soit un effet de la mue, soit que les femelles et les jeunes merles, qui sont en effet plus roux que noirs, soient en plus grand nombre, et se montrent alors plus fréquemment que les mâles adultes.

Ces oiseaux font leur première ponte sur la fin de l’hiver ; elle est de cinq ou six œufs d’un vert bleuâtre avec des taches couleur de rouille fréquentes et peu distinctes. Il est rare que cette première ponte réussisse, à cause de l’intempérie de la saison ; mais la seconde va mieux, et n’est que de quatre ou cinq œufs. Le nid des merles est construit à peu près comme celui des grives, excepté qu’il est matelassé en dedans : ils le font ordinairement dans les buissons ou sur des arbres de hauteur médiocre ; il semble même qu’ils soient portés naturellement à le placer près de terre, et que ce n’est que par l’expérience des inconvénients qu’ils apprennent à le mettre plus haut[6]. On m’en a apporté un, une seule fois, qui avait été pris dans le tronc d’un pommier creux.

  1. Olina, Uccellaria, p. 29.
  2. Olina, Ibidem. — Philostrat., Vita Apollonii, lib. vii. — Gessner, De Avibus, p. 606.
  3. « Merulæ, turdique et sturni plumam non amittunt. » Pline, lib. x, cap. xxiv.
  4. Olina, Ibidem. — British Zoology, p. 92.
  5. « Merula ex nigrâ rufescit. » Pline, lib. x, cap. xxiv.
  6. « Nidum hujusce modi… in cespitibus spinosis prope terram repertum diligenter consideravi. » Gessner. — Un merle, voyant qu’un chat lui avait mangé ses deux premières couvées dans le nid, fait au pied d’une haie, en fit une troisième sur un pommier, à huit pieds de hauteur. Hist. nat. des Oiseaux de M. Salerne, p. 176.