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L’ALOUETTE. 413

Les Grecs en connaissaient de deux espèces, l’une qui avait une huppe sur la tête, et que par cette raison Ton avait nommée korydos, korydalos, galerita, cassita ; l’autre qui n’avait point de huppe (a), et dont il s’agit dans cet article. Willughby est le seul auteur, que je sache, où l’on trouve que cette dernière relève quelquefois les plumes de sa tête en forme de huppe, et je m’en suis assuré moi-même à l’égard du mâle, en sorte que les noms de galerita, et de koridos peuvent aussi lui convenir (b). Les Allemands l’appellent lerch, qui se prononce en plusieurs provinces lerich, et paraît visiblement imité de son chant (e). M. Barrington la met au nombre des alouettes qui chantent le mieux (d), et l’on s’est fait une étude de l’élever en volière pour jouir de son ramage en toute saison ; et, par elle, du ramage de tout autre oiseau qu’elle prend fort vite, pour peu qu’elle ait été à portée de l’entendre quelque temps (e), et cela même après que son chant propre est fixé : aussi M. Dames Barrington l’appelle-t-il oiseau moqueur, imitateur, mais elle imite avec cette pureté d’organe, cette flexibilité de gosier qui se prête à tous les accents et qui les embellit ; si l’on veut que son ramage, acquis ou naturel, soit vraiment pur, il faut que ses oreilles ne soient frap- pées que d’une espèce de chant, surtout dans le temps de la jeunesse, sans quoi ce ne serait plus qu’un composé bizarre et mal assorti de tous les ra- mages qu’elle aurait entendus.

Lorsqu’elle est libre, elle commence à chanter dès les premiers jours du prinptemps, qui sont pour elle le temps de l’amour, et elle continue pendant toute la belle saison ; le matin et le soir sont les temps de la journée où elle se fait le plus entendre, et le milieu du jour celui où on l’entend le moins (f). Elle est du petit nombre des oiseaux qui chantent en volant : plus elle s’élève, plus elle force la voix, et souvent elle la force à un tel point que,

avait quelque rapport avec celui de l’alouette huppée. Schwenckfeld et Klein qui appa- remment n’avait pas lu Pline, dérivent ce nom d’alauda a laude, parce que selon le premier, on a remarqué qu’elle s’élevait sept fois le jour vers le ciel, chantant les louanges de Dieu. Aviarum Silesiæ, p. 191. Il est bien reconnu que toutes les créatures attestent l’existence et sont la gloire du Créateur ; mais faire chanter les heures canoniales à de petits oiseaux, et et fonder cette conjecture sur la ressemblance fortuite d’un mot latin avec un mot gaulois, il faut avouer que c’est une idée bien puérile.

(a) Aristote, Historia animalium, lib. ix, cap. xxv.

(b) Willughby. Ornithol., p. 149.

(c) « Ecce suum tirile, tirile, suum tirile tractat, » dit M. Linnæus, Syst. nat., édit. XIII, n° 105.

(d) « Il suo canto è dilette vole par esser vario, pieno di gorgie e sminuimenti diversi. » Olina, p. 12.

(e) Frisch, pl. 15. Schwenckfeld prétend qu’elle chante mieux que l’alouette huppée. Aviarum Silesiæ, p. 192 ; d’autres préfèrent le ramage de celle-ci, Kæmpfer, celui de l’alouette du Japon, qui peut-être n’est pas de la même espèce. Voyez surtout le Mémoire de M. Bar- rington, Transact. philosoph., 1773, vol. LXIII, part. ii.

(f) Aldrovande, Ornithol., t. II, p. 833. Cela peut être vrai dans les pays chauds, comme l’Italie et la Grèce, car dans nos pays tempérés on ne remarque point que l’alouette se taise au milieu du jour.