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LE MERLE


Le mâle adulte, dans cette espèce[NdÉ 1], est encore plus noir que le corbeau ; il est d’un noir plus décidé, plus pur, moins altéré par des reflets : excepté le bec, le tour des yeux, le talon et la plante du pied, qu’il a plus ou moins jaune, il est noir partout et dans tous les aspects ; aussi les Anglais l’appellent-ils l’oiseau noir par excellence. La femelle, au contraire, n’a point de noir décidé dans tout son plumage, mais différentes nuances de brun mêlées de roux et de gris ; son bec ne jaunit que rarement, elle ne chante pas non plus comme le mâle, et tout cela a donné lieu de la prendre pour un oiseau d’une autre espèce[1].

Les merles ne s’éloignent pas seulement du genre des grives par la couleur de leur plumage, et par la différente livrée du mâle et de la femelle, mais encore par leur cri que tout le monde connaît, et par quelques-unes de leurs habitudes : ils ne voyagent ni ne vont en troupes comme les grives, et néanmoins, quoique plus sauvages entre eux, ils le sont moins à l’égard de l’homme ; car nous les apprivoisons plus aisément que les grives, et ils ne se tiennent pas si loin des lieux habités ; au reste, ils passent communément pour être très fins, parce que ayant la vue perçante ils découvrent les chasseurs de fort loin et se laissent approcher difficilement ; mais, en les étudiant de plus près, on reconnaît qu’ils sont plus inquiets que rusés, plus peureux que défiants, puisqu’ils se laissent prendre aux gluaux, aux lacets, et à toutes sortes de pièges, pourvu que la main qui les a tendus sache se rendre invisible.

Lorsqu’ils sont renfermés avec d’autres oiseaux plus faibles, leur inquiétude naturelle se change en pétulance ; ils poursuivent, ils tourmentent continuellement leurs compagnons d’esclavage, et, par cette raison, on ne doit pas les admettre dans les volières où l’on veut rassembler et conserver plusieurs espèces de petits oiseaux.

On peut, si l’on veut, en élever à part à cause de leur chant ; non pas de

  1. Frisch, planche 29. Je soupçonne que c’est à cette femelle qu’on donne en certains pays le nom de merle-grive.
  1. Merula vulgaris (Turdus Merula L.) [Note de Wikisource : actuellement Turdus merula Linnæus, vulgairement merle noir]. Les merles sont des passereaux de l’ordre des Dentirostres et de la famille des Turdidés.