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LES TITIRIS OU PIPIRIS. 403

pipiri, dont nous venons de parler, et qu’on appelle dans le pays pipiri à tête noire, ou pipiri gros bec ; l’autre, nommée pipiri à tête jaune, ou pipiri de passage, est plus petite et moins forte : le dessus du corps de celui-ci est gris frangé de blanc partout, au lieu qu’il est brun frangé de roux dans le grand pipiri ; le naturel des petits pipiris est aussi beaucoup plus doux, ils sont moins sauvages que le grand pipiri, qui toujours se tient seul dans les lieux écartés et qu’on ne rencontre que par paires, au lieu que les petits pipiris paraissent souvent en bandes et s’approchent des habitations : on les voit réunis en assez grandes troupes pendant le mois d’août, et ils fré- quentent alors les cantons qui produisent certaines baies dont les scarabées et les insectes se nourrissent de préférence. Ces oiseaux sont très gras dans ce temps, et c’est celui où communément on leur donne la chasse (a).

Quoiqu’on les ait appelés pipiris de passage, il n’y a pas d’apparence, dit M. Deshayes, qu’ils quittent l’île de Saint-Domingue, qui est assez vaste pour qu’ils puissent y voyager. A la vérité, on les voit disparaître dans certaines saisons des cantons où ils se plaisent le plus : ils suivent de proche en proche la maturité des espèces de fruits qui attirent les insectes. Toutes les autres habitudes naturelles sont les mêmes que celles des grands pipiris ; les deux espèces sont très nombreuses à Saint-Domingue, et il est peu d’oiseaux qu’on y voie en aussi grand nombre (b).

Ils se nourrissent de chenilles, de scarabées, de papillons, de guêpes : on les voit perchés sur la plus haute pointe des arbres, et surtout sur les pal- mistes : c’est de là qu’ils s’élancent sur leur proie qu’une vue perçante leur fait discerner dans le vague de l’air ; l’oiseau ne l’a pas plus tôt saisie qu’il retourne sur son rameau. C’est depuis sept heures du matin jusqu’à dix, et depuis quatre jusqu’à six du soir qu’il paraît le plus occupé de sa chasse : on le voit, avec plaisir, s’élancer, bondir, voleter dans l’air pour saisir sa proie fugitive ; et son poste isolé, aussi bien que le besoin de découvrir à l’entour de lui, l’exposent en tout temps à l’œil du chasseur.

Aucun oiseau n’est plus matinal que le pipiri, et l’on est assuré quand on entend sa voix que le jour commence à poindre (c) ; c’est de la cime des

(a) « Alors ces oiseaux sont très gras ; aussi cet embonpoint leur cause une guerre cruelle... Il est peu de bonnes tables dans les plaines de cette île sur lesquelles on ne serve des bro- chettes de pipiris. » Note de M. Deshayes.

(b) « On en voit dans les forêts, dans les terrains abandonnés, dans les endroits cultivés ; ils se plaisent partout. Cependant l’espèce des pipiris à tête jaune, qui est la plus multi- pliée, paraît rechercher les lieux habités. En hiver ils se rapprochent des maisons : et comme cette saison, par sa température dans ces climats, est analogue au printemps de France, il semble que la fraîcheur qui règne alors leur inspire la gaieté. En effet, jamais on ne les voit si babillards ni si enjoués que pendant les mois de novembre et décembre ; ils s’agacent réciproquement, voltigent les uns après les autres, et préludent en quelque sorte à leurs amours. » Note communiquée par M. Deshayes.

(c) « Il n’y a pas, excepté le coq, le paon et le rossignol qui chantent pendant la nuit, d’oi- seau plus matinal ; il chante dès que l’aube du jour paraît. » Note communiquée par M. Fresnaye, ancien conseiller au Port-au-Prince.