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et de la litorne. Il a les yeux jaunes, le bec noirâtre, les pieds bruns et tout le dessus du corps du même roux que le poil du renard, cependant avec quelque mélange de brun : ces deux couleurs règnent aussi sur les pennes des ailes, mais séparément, savoir, le roux sur les barbes extérieures, et le brun sur les intérieures. Les grandes et les moyennes couvertures des ailes sont terminées de blanc, ce qui forme deux traits de cette couleur qui traversent obliquement les ailes.

Le dessous du corps est blanc sale, tacheté de brun obscur ; mais les taches sont plus clairsemées que dans le plumage de nos grives : la queue est étagée, un peu tombante et entièrement rousse. Le ramage du moqueur français a quelque variété, mais il n’est pas comparable à celui du moqueur proprement dit.

Il se nourrit ordinairement du fruit d’une sorte de cerisier noir fort différent de nos cerisiers d’Europe, puisque ses fruits sont disposés en grappes. Il reste toute l’année à la Caroline et à la Virginie, et par conséquent il n’est pas, au moins pour ces contrées, un oiseau de passage : nouveau trait de dissemblance avec nos grives.


LE MOQUEUR[1]

Nous trouvons dans cet oiseau singulier[NdÉ 1] une exception frappante à une observation générale faite sur les oiseaux du nouveau monde. Presque tous les voyageurs s’accordent à dire qu’autant les couleurs de leur plumage sont vives, riches, éclatantes, autant le son de leur voix est aigre, rauque, monotone, en un mot, désagréable. Celui-ci est au contraire, si l’on en croit Fernandez, Nieremberg et les Américains, le chantre le plus excellent parmi tous les volatiles de l’univers, sans même en excepter le rossignol : car il charme, comme lui, par les accents flatteurs de son ramage, et de plus il amuse par le talent inné qu’il a de contrefaire le chant ou plutôt le cri des autres oiseaux ; et c’est de là, sans doute, que lui est venu le nom de moqueur : cependant, bien loin de rendre ridicules ces chants étrangers qu’il répète, il paraît ne les imiter que pour les embellir ; on croirait qu’en s’appropriant ainsi tous les sons qui frappent ses oreilles il ne cherche qu’à enrichir et perfectionner son propre chant, et qu’à exercer de toutes les manières possibles son infatigable gosier. Aussi les sauvages lui ont-ils donné le nom de cencontlatolli, qui veut dire quatre cents langues, et les

  1. Ce sont les trois moqueurs de M. Brisson, t. II, p. 262, 265 et 266, et son merle de Saint-Domingue, p. 284. Des voyageurs ont pris pour moqueurs certaines espèces de troupiales. Voyez Essay on Nat. Hist. of. Guiana, p. 178.
  1. Mimus polyglottus L. [Note de Wikisource : actuellement Mimus polyglottos Linnæus, vulgairement moqueur polyglotte].