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LE GOBE-MOUCHE NOIR A COLLIER. 375

sont éclos, le père et la mère ne cessent d’entrer et de sortir pour leur por- ter à manger, et par cette sollicitude ils décèlent eux-mêmes leur nichée, que sans cela il ne serait pas facile de découvrir.

Ils ne se nourrissent que de mouches et autres insectes volants ; on ne les voit pas à terre, et presque toujours ils se tiennent fort élevés, voltigeant d’arbre en arbre ; leur voix n’est pas un chant, mais un accent plaintif très aigu, roulant sur une consonne aigre, crrî, crrî. Ils paraissent sombres et tristes, mais l’amour de leurs petits leur donne de l’activité et même du courage.

La Lorraine n’est pas la seule province de France où l’on trouve ce gobe- mouche à collier. M. Hébert nous a dit en avoir vu un dans la Brie, où néanmoins il est peu connu, parce qu’il est sauvage et passager. Nous avons trouvé un de ces gobe-mouches, le 10 mai 1773, dans un petit parc près de Montbard en Bourgogne ; il était dans le même état de plumage que celui qu’a décrit M. Brisson (tome II, page 381). Les grandes couvertures des ailes, qu’il représente terminées de blanc, ne l’étaient que sur les plus voi- sines du corps ; les plus éloignées n’étaient que brunes ; les seules couver- tures du dessous de la queue étaient blanches, celles du dessus d’un brun noirâtre ; le croupion était d’un gris de perle terne, et le derrière du cou, dans l’endroit du collier, moins foncé que la tête et le dos ; les pennes moyennes de l’aile étaient, vers le bout, du même brun que les grandes pennes ; la langue nous parut effrangée par le bout, large pour la grosseur de l’oiseau, mais proportionnée à la largeur de la base du bec ; le tube intes- tinal était de huit à neuf pouces de longueur ; le gésier musculeux, précédé d’une dilatation dans l’œsophage ; quelques vestiges de cæcum ; point de vésicule de fiel. Cet oiseau était mâle, et les testicules paraissaient d’environ une ligne de diamètre ; il pesait trois gros.

Dans cette espèce de gobe-mouche, le bout des ailes se rejoint et s’étend au delà du milieu de la queue, ce qui fait une exception dans ce genre, où l’aile pliée n’atteint pas le milieu de la queue : l’oiseau ne la tient pas élevée comme elle est représentée dans la planche enluminée, n° 565, fig. 2 et 3 ; le blanc du devant de la tête est aussi beaucoup plus étendu que dans celte figure, et M. Lottinger juge qu’au n° 3 on a donné un mâle commençant à changer d’habit, pour une femelle ; il observe de plus que le collier du mâle, n° 2, devrait environner tout le cou sans être coupé de noir. L’on doit avoir égard aux remarques de cet observateur exact, qui, le premier, nous a fait connaître les habitudes et les changements de couleur de ces oiseaux.

Au reste, ce petit oiseau, triste et sauvage, mène pourtant une vie tran- quille, sans danger, sans combats, protégée par la solitude : il n’arrive qu’à la fin du printemps, lorsque les insectes dont il fait sa proie ont pris leurs ailes, et part dans l’arrière-saison pour retrouver aux contrées du Midi sa pâture, sa solitude et ses amours.