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LES TINAMOUS. 363

Nous aurions dû placer le genre des tinamous après celui de l’outarde, mais ces oiseaux du nouveau continent ne nous étaient pas alors assez connus, et c’est à M. de Manoncour que nous devons la plus grande partie des faits qui ont rapport à leur histoire, ainsi que les descriptions exactes qu’il nous a mis en état de faire d’après les individus qu’il nous a donnés pour le Cabinet du Roi.

Les Espagnols de l’Amérique (a) et les Français de Cayenne ont également donné aux tinamous le nom de perdrix, et ce nom, quoique très impropre, a été adopté par quelques nomenclateurs (b) ; mais le tinamou diffère de la perdrix en ce qu’il a le bec grêle, allongé et mousse à son extrémité, noir par-dessus et blanchâtre en dessous, avec les narines oblongues et posées vers le milieu de la longueur du bec ; il a aussi le doigt postérieur très court et qui ne pose point à terre, les ongles sont fort courts, assez larges et creusés en gouttières par-dessous ; les pieds diffèrent encore de ceux de la perdrix, car ils sont chargés par derrière, comme ceux des poules, et sur toute leur longueur, d’écailles qui ont la forme de petites coquilles, mais dont la partie supérieure se relève et forme autant d’inégalités, ce qui n’est pas si sensible sur le pied des poules ; tous les tinamous ont aussi la gorge et le jabot assez dégarnis de plumes, qui sont très écartées et clair-semées sur ces parties ; les pennes de la queue sont si courtes, que dans quelques individus elles sont entièrement cachées par les couvertures supérieures. Ainsi ces oiseaux ont été très mal à propos appelés perdrix, puisqu’ils en diffèrent par tant de caractères essentiels.

Mais ils diffèrent aussi de l’outarde (c) par quelques-uns de leurs principaux caractères, et particulièrement par ce quatrième doigt qu’ils ont en arrière et qui manque à l’outarde : en sorte que nous avons cru devoir en faire un genre particulier sous le nom qu’ils portent dans leur pays natal (d).

Les habitudes communes à toutes les espèces de tinamous sont, comme nous l’avons dit, de se percher sur les arbres pour y passer la nuit, et de s’y tenir aussi quelquefois pendant le jour, mais de ne jamais se placer au faîte des grands arbres, et de ne se poser que sur les branches les moins élevées. Il semble donc que ces oiseaux, ainsi que beaucoup d’autres, ne se perchent que malgré eux, et parce qu’ils y sont contraints par la nécessité ; on en a un exemple évident par les perdrix de cette contrée, qui ne diffèrent pas beaucoup de celles de l’Europe, et qui ne quittent la terre que le plus tard qu’elles peuvent chaque jour ; elles ne se perchent même que sur les branches les plus basses, à deux ou trois pieds de hauteur de terre. Ces

(a) Lettre de M. Godin des Odonnais à M. de la Condamine, 1773, p. 19, note première.

(b) Brisson, Ornithol.,t. Ier, p. 227. — Barrère, France équinox., p. 138 ; et Ornithol., p. 81.

(c) M. Klein a rangé une espèce de tinamou dans le genre de l’outarde. Klein, Avium, p. 18.

(d) Tinamou, par les naturels de la Guiane.