Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/382

Cette page n’a pas encore été corrigée

362 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

LES TINAMOUS (a)

Ces oiseaux (*), qui sont propres et particuliers aux climats chauds de l’Amérique, doivent être regardés comme faisant partie des oiseaux galli- nacés, car ils tiennent de l’outarde et de la perdrix, quoiqu’ils en diffèrent par plusieurs caractères ; mais on se tromperait si l’on prenait pour caractères constants certaines habitudes naturelles qui ne dépendent souvent que du climat ou d’autres circonstances : par exemple, la plupart des oiseaux qui ne se perchent point en Europe et qui demeurent toujours à terre comme les perdrix, se perchent en Amérique, et même les oiseaux d’eau à pieds palmés que nous n’avons jamais vus dans nos climats se percher sur les arbres, s’y posent communément ; ils vont sur l’eau pendant le jour, et retournent la nuit sur les arbres au lieu de se tenir à terre. Il paraît que ce qui détermine cette habitude qu’on aurait d’abord jugée contraire à leur nature, c’est la nécessité où ils se trouvent d’éviter, non seulement les jaguars et autres animaux de proie, mais encore les serpents et les nombreux insectes dont la terre fourmille dans ces climats chauds, et qui ne leur laisseraient ni tran- quillité ni repos ; les fourmis seules, arrivant toujours en colonnes pressées et en nombre immense, feraient bientôt autant de squelettes des jeunes oiseaux qu’elles pourraient envelopper pendant leur sommeil, et l’on a re- connu que les serpents avalent souvent des cailles, qui sont les seuls oiseaux qui se tiennent à terre dans ces contrées : ceci semble d’abord faire une exception à ce que nous venons de dire ; tous les oiseaux ne se perchent donc pas, puisque les cailles restent à terre dans ce climat comme dans ceux de l’Europe ; mais il y a toute apparence que ces cailles, qui sont les seuls oiseaux qui se tiennent à terre en Amérique, n’en sont pas originaires ; il est de fait que l’on y en a porté d’Europe en assez grand nombre, et il est pro- bable qu’elles n’ont pas eu encore le temps de conformer leurs habitudes aux nécessités et aux convenances de leur nouveau domicile, et qu’elles prendront peut-être à la longue, et à force d’être incommodées, le parti de se percher comme le font tous les autres oiseaux.

(a) Nom que les naturels de la Guiane donnent à ces oiseaux.

(*) Les Tinamous (Crypturus III., Tinamus Lath.) sont des Gallinacés de la famille des Crypturides.