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360 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

qu’il ne hait pas, dès qu’il est appelé. Il aime à recevoir des caresses, et présente surtout la tête et le cou pour les faire gratter ; et lorsqu’il est une fois accoutumé à ces complaisances, il en devient importun, et semble exi- ger qu’on les renouvelle à chaque instant. Il arrive aussi, sans être appelé, toutes les fois qu’on est à table, et il commence par chasser les chats et les chiens, et se rendre le maître de la chambre avant de demander à manger, car il est si confiant et si courageux qu’il ne fuit jamais, et les chiens de taille ordinaire sont obligés de lui céder, souvent après un combat long, et dans lequel il sait éviter la dent du chien en s’élevant en l’air, et retombant ensuite sur son ennemi, auquel il cherche à crever les yeux et qu’il meur- trit à coups de bec et d’ongles ; et lorsqu’une fois il s’est rendu vainqueur, il poursuit son ennemi avec un acharnement singulier, et finirait par le faire périr si on ne les séparait. Enfin il prend dans le commerce de l’homme presque autant d’instinct relatif que le chien, et l’on nous a même assuré qu’on pouvait apprendre à l’agami à garder et conduire un troupeau de moutons. Il paraît encore qu’il est jaloux contre tous ceux qui peuvent par- tager les caresses de son maître ; car souvent lorsqu’il vient autour de la table, il donne de violents coups de bec contre les jambes nues des nègres ou des autres domestiques quand ils approchent de la personne de son maître.

La chair de ces oiseaux, surtout celle des jeunes, n’est pas de mauvais goût, mais elle est sèche et ordinairement dure. On découpe dans leurs dé- pouilles la partie brillante de leur plumage ; c’est cette plaque de couleur changeante et vive que l’on a soin de préparer pour faire des parures.

M. de la Borde nous a aussi communiqué les notices suivantes au sujet de ces oiseaux. « Les agamis sauvages, dit-il, sont écartés dans l’intérieur des terres, de manière qu’il n’y en a plus aux environs de Cayenne... et ils sont très communs dans les terres éloignées ou inhabitées... On les trouve toujours dans les grands bois, en nombreuses troupes de dix à douze jusqu’à quarante... Ils se lèvent de terre pour voler à des arbres peu éle- vés, sur lesquels ils restent tranquilles ; les chasseurs en tuent quelquefois plusieurs sans que les autres fuient.... Il y a des hommes qui imitent leur bourdonnement ou son sourd si parfaitement, qu’ils les font venir à leurs pieds... Quand les chasseurs ont trouvé une compagnie d’agamis, ils ne quittent pas prise qu’ils n’en aient tué plusieurs ; ces oiseaux ne volent presque pas, et leur chair n’est pas bien bonne ; elle est noire, toujours dure, mais celle des jeunes est moins mauvaise... Il n’y a pas d’oiseau qui s’apprivoise plus aisément que celui-ci ; il y en a toujours plusieurs dans les rues de Cayenne... Ils vont aussi hors de la ville et reviennent exacte- ment se retirer chez leur maître... On les approche et les manie tant qu’on veut ; ils ne craignent ni les chiens ni les oiseaux de proie dans les basses- cours ; ils se rendent maîtres des poules et ils s’en font craindre ; ils se