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L’AGAMI. 359

et en mettant pied à terre il me félicitait de mon arrivée par les mêmes compliments, ce qu’il ne faisait qu’à moi seul en particulier et jamais à d’autres (a). »

Nous pouvons ajouter à ces observations beaucoup d’autres faits qui nous ont été communiqués par M. de Manoncour.

Dans l’état de nature, l’agami habite les grandes forêts des climats chauds de l’Amérique, et ne s’approche pas des endroits découverts, et encore moins des lieux habités. Il se tient en troupes assez nombreuses et ne fré- quente pas de préférence les marais ni le bord des eaux, car il se trouve souvent sur les montagnes et autres terres élevées ; il marche et court plu- tôt qu’il ne vole, et sa course est aussi rapide que son vol est pesant, car il ne s’élève jamais que de quelques pieds, pour se reposer à une petite dis- tance sur terre ou sur quelques branches peu élevées. Il se nourrit de fruits sauvages comme les hoccos, les marails et autres oiseaux gallinacés. Lors- qu’on le surprend, il fuit et court plus souvent qu’il ne vole, et il jette en même temps un cri aigu semblable à celui du dindon.

Ces oiseaux grattent la terre au pied des grands arbres pour y creuser la place du dépôt de leurs œufs, car ils ne ramassent rien pour le garnir et ne font point de nid. Ils pondent des œufs en grand nombre, de dix jusqu’à seize, et ce nombre est proportionné, comme dans tous les oiseaux, à l’âge de la femelle ; ces œufs sont presque sphériques, plus gros que ceux de nos poules, et peints d’une couleur de vert clair. Les jeunes agamis conservent leur duvet ou plutôt leurs premières plumes effilées, bien plus longtemps que nos poussins ou nos perdreaux. On en trouve qui les ont longues de près de deux pouces, en sorte qu’on les prendrait pour des animaux cou- verts de poil ou de soie jusqu’à cet âge, et ce duvet ou ces soies sont très serrées, très fournies et très douces au toucher ; les vraies plumes ne vien- nent que quand ils ont pris plus du quart de leur accroissement.

Non seulement les agamis s’apprivoisent très aisément, mais ils s’atta- chent même à celui qui les soigne avec autant d’empressement et de fidélité que le chien : ils en donnent des marques les moins équivoques, car si l’on garde un agami dans la maison, il vient au-devant de son maître, lui fait des caresses, le suit ou le précède, et lui témoigne la joie qu’il a de l’accompa- gner ou de le revoir ; mais aussi lorsqu’il prend quelqu’un en guignon, il le chasse à coups de bec dans les jambes, et le reconduit quelquefois fort loin, toujours avec les mêmes démonstrations d’humeur ou de colère, qui souvent ne provient pas de mauvais traitements ou d’offenses, et qu’on ne peut guère attribuer qu’au caprice de l’oiseau, déterminé peut-être par la figure déplaisante, ou par l’odeur désagréable de certaines personnes. Il ne manque pas aussi d’obéir à la voix de son maître ; il vient même auprès de tous ceux

(a) Wosmaër, feuille, Amsterdam, 1768.