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356 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

Non seulement les nomenclateurs (a) avaient pris l’agami pour un faisan, une poule ou une grue, mais ils l’avaient encore confondu avec le macu- cagua de Marcgrave (b), qui est le grand tinamou, et dont nous parlerons dans l’article suivant sous le nom de magua. M. Adanson est le premier qui ait remarqué cette dernière erreur.

MM. Pallas (c) et Wosmaër (d) ont très bien observé la faculté singulière qu’a cet oiseau de faire entendre un son sourd et profond qu’on croyait sortir de l’anus (e) ; ils ont reconnu que c’était une erreur. Nous observerons seu-

(a) Barrère, Brisson, Wosmaër, etc.

(b) Hist. nat. Brasil. p. 213.

(c) « Larynx extra thoracem calami cygnei crassitie, ferèque osseus, ad ingressum tho- racis tenuior multò evadit, laxiorque et cartilagineus, unde procédant canales duo semicy- lyndrici, membrana perfecti, extensiles. — Saccus aëreus dexter usque in pelvim descendit, intraque thoracem septis membranaceis transversis tribus vel quatuor cellulosus est. Sinis- ter, multò angustior, in hypochondrio terminatur. » Miscel. zoolog., p. 71.

(d) La propriété la plus caractéristique et la plus remarquable de ces oiseaux consiste dans le bruit merveilleux qu’ils font souvent d’eux-mêmes, ou excités à cet effet par les valets de la ménagerie. Je ne m’étonne pas qu’on ait été jusqu’ici dans l’idée qu’ils le fai- saient par l’anus. J’ai eu moi-même assez de peine pour me convaincre du contraire. On ne peut guère s’en assurer, qu’en se couchant à terre, en attirant tout près de soi l’oiseau avec du pain, et en lui faisant faire le bruit, que les valets savent assez bien imiter, et qu’ils réussissent souvent à lui faire répéter après eux. Ce bruit équivoque est quelquefois précédé d’un cri sauvage, interrompu par un son approchant de celui de scherk, scherck, auquel suit le bruit sourd et singulier en question, qui a quelque rapport au gémissement des pigeons. De cette manière on leur entend donner cinq, six à sept fois, avec précipitation, un son sourd provenant de l’intérieur du corps à peu près comme si on prononçait, la bouche fermée, tou, tou, tou, tou, tou, tou, tou, traînant le dernier tou... fort longtemps, et le terminant en baissant peu à peu de note. Ce son a aussi beaucoup de ressemblance avec le bruit long et lamentable que font les boulangers hollandais, en soufflant dans un cor de verre pour avertir leurs chalands que leur pain sort du four. Ce son, comme je l’ai déjà dit, ne vient point de l’anus ; mais il me paraît très certain qu’il est formé par une faible ouverture du bec, et par une espèce de poumons particuliers à presque tous les oiseaux, quoique de forme différente. C’est aussi le sentiment de M. Pallas qui l’a entendu souvent avec moi, et à qui j’ai donné à dis- séquer un de ces oiseaux morts. Ce docteur m’a fait part de ses observations sur le point en question, touchant la conformation intérieure de l’animal, et dont je lui témoigne ma reconnaissance : voici ce qu’il en dit : « La trachée-artère, avant que d’entrer dans la poi- trine, est de l’épaisseur d’une grosse plume à écrire ; osseuse et absolument cylindrique. Dans la poitrine, elle devient cartilagineuse, et se divise en deux canaux hémicycles, qui prennent leurs cours dans les poumons, et dont le gauche est fort court, mais le droit s’étend jusqu’au fond du bas-ventre, et est séparé par des membranes transverses en trois ou quatre grands lobes. »

Ce sont donc certainement ces poumons, qu’on doit regarder en grande partie comme les causes motrices des divers sons que donnent les oiseaux. L’air, pressé par l’action impulsive des fibres, cherche une issue par les grosses branches du poumon charnu, rencontre en son chemin de petites membranes élastiques, qui excitent des frémissements, lesquels peuvent produire toutes sortes de tons. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1753, p. 293. Mais ce qui nous assure surtout, que ce son ne vient pas de l’anus, c’est que si l’on y prête une grande attention, lorsqu’ils font cet étrange bruit sourd (ce qui arrive souvent sans aucun cri précédent) on voit leur poitrine et leur ventre se remuer, et leur bec s’entr’ouvrir tant soit peu. Wosmaër, feuille imprimée à Amsterdam, 1768.

(e) M. de la Condamine dit que cet oiseau a de particulier de faire quelquefois un bruit qui lui a fait donner le nom de trompette, mais que c’est mal à propos que quelques-uns