Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/371

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’ARADA. 351

espèce de sifflet par lequel il imite parfaitement celui d’un homme qui en appelle un autre : les voyageurs y sont souvent trompés ; si l’on suit le sifflet de cet oiseau c’est un sûr moyen de s’égarer, car à mesure qu’on s’approche, il s’éloigne peu à peu en sifflant de temps en temps.

L’arada fuit les environs des lieux habités ; il vit seul dans l’épaisseur des bois éloignés des habitations, et l’on est agréablement surpris de rencontrer dans ces vastes forêts un oiseau dont le chant mélodieux semble diminuer la solitude de ces déserts ; mais on ne le rencontre pas aussi souvent qu’on le désirerait ; l’espèce n’en paraît pas nombreuse, et l’on fait souvent beau- coup de chemin sans en entendre un seul.

Je dois avouer à l’occasion de cet oiseau dont le chant est si agréable, que je n’étais pas informé de ce fait lorsque j’ai dit dans mon Discours sur la nature des oiseaux (a) qu’en général, dans le Nouveau Monde, et surtout dans les terres désertes de ce continent, presque tous les oiseaux n’avaient que des cris désagréables : celui-ci, comme l’on voit, fait une grande excep- tion à cette espèce de règle, qui néanmoins est très vraie pour le plus grand nombre. D’ailleurs, on doit considérer que, proportion gardée, il y a peut- être dix fois plus d’oiseaux dans ces climats chauds que dans les nôtres, et qu’il n’est pas surprenant que dans un aussi grand nombre il s’en trouve quelques-uns dont le chant est agréable : sur près de trois cents espèces que nos observateurs connaissent en Amérique, on n’en peut guère citer que cinq ou six, savoir, l’arada, le tangara-cardinal ou scarlat, celui que l’on appelle l’organiste de Saint-Domingue, le classique jaune, le merle des savanes de la Guiane et le roitelet de Cayenne, presque tous les autres n’ayant au lieu de chant qu’un cri désagréable ; en France, au contraire, sur cent ou cent vingt espèces d’oiseaux, nous pourrions compter aisément vingt ou vingt- cinq espèces chantant avec agrément pour notre oreille.

Les couleurs du plumage de l’arada ne répondent pas à la beauté de son chant ; elles sont ternes et sombres (voyez la planche enluminée, n° 706, fig. 2) ; car il faut observer que dans celte planche les couleurs sont trop vives et trop tranchées : elles sont plus sombres et plus vagues dans l’oiseau même.

Au reste, la longueur totale de l’arada n’est que de quatre pouces, et la queue, rayée transversalement de roux brun et de noirâtre, dépasse les ailes de sept lignes.

On peut rapporter à l’arada un oiseau que M. Mauduit nous a fait voir, et qui ne peut être d’aucun autre genre que de celui des fourmilliers : néan- moins il diffère de toutes les espèces de fourmilliers, et se rapproche davan- tage de celle de l’arada, dont il se pourrait même qu’il ne fût qu’une va- riété ; car il ressemble à l’arada par la longueur et la forme du bec, par

(a) T. V, premier discours.