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342 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

Dans la Guiane française, ainsi que dans tous les pays où l’on n’est pas instruit en histoire naturelle, il suffit d’apercevoir dans un animal un carac- tère ou une habitude qui ait de la conformité avec les caractères et les habitudes d’un genre connu, pour lui imposer le nom de ce genre : c’est ce qui est arrivé au sujet des fourmilliers. L’on a remarqué qu’ils ne se per- chaient point ou très peu, et qu’ils courraient à terre comme les perdrix ; il n’en a pas fallu davantage pour ne plus les distinguer que par la taille, et, sans faire attention aux nombreux traits de dissemblance, on les a nommes à Cayenne petites perdrix (a).

Mais ces oiseaux ne sont ni des perdrix, ni des merles, ni même des brèves ; ils ont seulement comme ces derniers, pour principaux caractères extérieurs, les jambes longues, la queue et les ailes courtes, l’ongle du doigt postérieur plus arqué et plus long que les antérieurs, le bec droit et allongé, la mandibule supérieure échancrée à son extrémité, qui se courbe à sa jonction avec la mandibule inférieure, qu’elle déborde d’environ une ligne, mais ils ont de plus ou de moins que les brèves (car nous ne connaissons pas la forme de la langue de ces oiseaux), la langue courte et garnie de petits filets cartilagineux et charnus vers sa pointe ; les couleurs sont aussi très différentes, comme on le verra par leurs descriptions particulières, et il y a toute apparence que les fourmilliers diffèrent encore des brèves par leurs habitudes naturelles, puisqu’ils sont de climats très éloignés, et dont les productions étant différentes, les nourritures ne peuvent guère être les mêmes. Lorsque nous avons parlé des brèves, nous n’avons rien pu dire de leurs habitudes naturelles, parce qu’aucun voyageur n’en a fait men- tion : ainsi nous ne pouvons pas leur comparer à cet égard les fourmilliers d’Amérique.

En général, les fourmilliers se tiennent en troupes et se nourrissent de petits insectes, et principalement de fourmis, lesquelles, pour la plupart, sont assez semblables à celles d’Europe. On rencontre presque toujours ces oiseaux à terre, c’est-à-dire sur les grandes fourmilières, qui communément dans l’intérieur de la Guiane ont plus de vingt pieds de diamètre ; ces insectes, par leur multitude presque infinie, sont très nuisibles aux progrès de la culture, et même à la conservation des denrées dans cette partie de l’Amérique méridionale.

L’on distingue plusieurs espèces dans ces oiseaux mangeurs de fourmis ; et, quoique différentes entre elles, on les trouve assez souvent réunies dans le même lieu : on voit ensemble ceux des grandes et ceux des petites espèces, et aussi ceux qui ont la queue un peu longue, et ceux qui l’ont très courte. Au reste il est rare, si l’on en excepte les espèces principales qui se réduisent

(a) Les naturels de la Guiane donnent à quelques espèces de Fourmiliers le nom de Pa- likours.