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LES FOURMILLIERS. 341

se figurer des aires de quelques toises de largeur sur plusieurs pieds de hauteur ; et ces monceaux immenses, accumules par les fourmis, sont aussi remplis, aussi peuplés que nos petites fourmilières, dont les plus grandes n’ont que deux ou trois pieds de diamètre, en sorte qu’une seule de ces fourmilières d’Amérique peut équivaloir à deux ou trois cents de nos fourmi- lières d’Europe ; et non seulement ces magasins, ces nids formés par ces insectes en Amérique excèdent prodigieusement ceux de l’Europe par la grandeur, mais ils les excèdent encore de beaucoup par le nombre. Il y a cent fois plus de fourmilières dans les terres désertes de la Guiane que dans aucune contrée de notre continent ; et comme il est dans l’ordre de la nature que les unes de ses productions servent à la subsistance des autres, on trouve dans ce même climat des quadrupèdes et des oiseaux qui semblent être faits exprès pour se nourrir de fourmis. Nous avons donné l’histoire du tamanoir (a), du tamandua et des autres fourmilliers quadrupèdes, nous allons donner ici celle des oiseaux fourmilliers qui ne nous étaient pas connus avant que M. de Manoncour les eût apportés pour le Cabinet du Roi.

Les fourmilliers (*) sont des oiseaux de la Guiane qui ne ressemblent à aucun de ceux de l’Europe, mais qui pour la figure du corps, du bec, des pattes et de la queue, ont beaucoup de ressemblance avec ceux que nous avons appelés brèves (b) et que les nomenclateurs avaient mal à propos confondus avec les merles mais comme les brèves se trouvent aux Phi- lippines, aux Moluques, à l’île de Ceylan, au Bengale et à Madagascar, il est plus que probable qu’ils ne sont pas de la même famille que les fourmilliers d’Amérique : ces derniers me paraissent former un nouveau genre qui est entièrement dû aux recherches de M. de Manoncour, que j’ai déjà cité plusieurs fois, parce qu’il a fait une étude approfondie sur les oiseaux étrangers, dont il a donné au Cabinet du Roi plus de cent soixante espèces. Il a bien voulu me communiquer aussi toutes les observations qu’il a faites dans ses voyages au Sénégal et en Amérique : c’est de ces mêmes observa- tions que j’ai tiré l’histoire et la description de plusieurs oiseaux, et en particulier celle des fourmilliers.

une prodigieuse quantité. Les unes de ces fourmis ne sont pas plus grandes que celles d’Eu- rope, les autres sont du double et du triple plus grosses ; elles forment des monceaux aussi élevés que des meules de foin, et leur nombre est si prodigieux, qu’elles tracent des chemins de quelques pieds de largeur dans les champs et dans les bois, souvent dans une étendue de plusieurs lieues. Pison, Hist. nat. utriusq. Indi., p. 9. — Fernandez dit aussi que ces fourmis sont plus grosses et assez semblables à nos fourmis ailées, et que leurs fourmilières sont d’une hauteur et d’une largeur incroyables. Fernandez, cap. xxx, p. 76.

(a) Voyez le t. III, p. 125 et suiv.

(b) Voyez, ci-devant, p. 129 et suiv.

(c) Brisson, Ornithol., t. II, p. 316 et 319.

(*) Les Fourmiliers (Myiothera ou Formicivora) sont des Passereaux Dentirostes voisins des Pies-grièches.