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330 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

LES COTINGAS

Il est très peu d’oiseaux d’un aussi beau plumage que les cotingas (*) : tous ceux qui ont eu occasion de les voir, naturalistes ou voyageurs, en ont été comme éblouis, et n’en parlent qu’avec admiration. Il semble que la nature ait pris plaisir à ne rassembler sur sa palette que des couleurs choisies pour les répandre avec autant de goût que de profusion sur l’habit de fête qu’elle leur avait destiné. On y voit briller toutes les nuances de bleu, de violet, de rouge, d’orangé, de pourpre, de blanc pur, de noir velouté, tantôt assorties et rapprochées par les gradations les plus suaves, tantôt opposées et contras- tées avec une entente admirable, mais presque toujours multipliées par des reflets sans nombre qui donnent du mouvement, du jeu, de l’intérêt, en un mot, tout le charme de la peinture la plus expressive à des tableaux muets, immobiles en apparence, et qui n’en sont que plus étonnants, puisque leur mérite est de plaire par leur beauté propre, sans rien imiter, et d’être eux- mêmes inimitables.

Toutes les espèces, ou si l’on veut toutes les races qui composent la bril- lante famille des cotingas, appartiennent au nouveau continent, et c’est sans fondement que quelques-uns ont cru qu’il y en avait dans le Sénégal (a). Il paraît qu’ils se plaisent dans les pays chauds ; on ne les trouve guère au delà du Brésil, du côté du sud, ni au delà du Mexique, du côté du nord ; et par conséquent il leur serait difficile de traverser les vastes mers qui sépa- rent les deux continents à ces hauteurs.

Tout ce qu’on sait de leurs habitudes, c’est qu’ils ne font point de voyages de long cours, mais seulement des tournées périodiques qui se renferment dans un cercle assez étroit : ils reparaissent deux fois l’année aux environs des habitations, et quoiqu’ils arrivent tous à peu près dans le même temps on ne les voit jamais en troupes. Ils se tiennent le plus souvent au bord des criques, dans les lieux marécageux (b) ; ce qui leur a fait donner par quel- ques-uns le nom de poules d’eau. Ils trouvent en abondance sur les palétu- viers qui croissent dans ces sortes d’endroits, les insectes dont ils se nour- rissent, et surtout ceux qu’on nomme karias en Amérique, et qui sont des poux de bois suivant les uns, et des espèces de fourmis selon les autres. Les créoles ont, dit-on, plus d’un motif de leur faire la guerre : la beauté de leur plumage qui charme les yeux, et, selon quelques-uns, la bonté de leur chair

(a) Voyez les Oiseaux de M. Salerne, p. 173.

(b) M. Edwards, qui ne connaissait point les allures des cotingas, a jugé par la structure de leurs pieds, qu’ils fréquentaient les marécages (planche 39).

(*) Les Cotingas (Ampelis L.) sont des Passereaux du groupe des Dentirostres, à bec emplumé jusqu’aux narines et pourvu d’une arête bombée.