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328 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

rare d’en trouver qui soient peints partout, et uniformément, d’un beau rouge.

Quoique cet oiseau ait dû frapper les yeux de tous ceux qui l’ont rencontré, aucun voyageur n’a fait mention de ses habitudes naturelles. M. de Manoncour est le premier qui l’ait observé. Il habite non seulement les fentes profondes des rochers, mais même les grandes cavernes obscures où la lumière du jour ne peut pénétrer, ce qui a fait croire à plusieurs personnes que le coq de roche était un oiseau de nuit ; mais c’est une erreur, car il vole et voit très bien pendant le jour. Cependant il paraît que l’inclination naturelle de ces oiseaux les rappelle plus souvent à leur habitation obscure qu’aux endroits éclairés, puisqu’on les trouve en grand nombre dans les cavernes, où l’on ne peut entrer qu’avec des flambeaux. Néanmoins, comme on en trouve aussi pendant le jour en assez grand nombre aux environs de ces mêmes cavernes, on doit présumer qu’ils ont les yeux comme les chats, qui voient très bien pendant le jour, et très bien aussi pendant la nuit. Le mâle et la femelle sont également vifs et très farouches : on ne peut les tirer qu’en se cachant der- rière quelque rocher, où il faut les attendre souvent pendant plusieurs heures avant qu’ils se présentent à la portée du coup, parce que dès qu’ils vous aperçoivent ils fuient assez loin par un vol rapide, mais court et peu élevé. Ils se nourrissent de petits fruits sauvages, et ils ont l’habitude de gratter la terre, de battre des ailes et de se secouer comme les poules ; mais ils n’ont ni le chant du coq ni la voix de la poule ; leur cri pourrait s’exprimer par la syllabe ké, prononcée d’un ton aigu et traînant. C’est dans un trou de rocher qu’ils construisent grossièrement leur nid avec de petits morceaux de bois sec ; ils ne pondent communément que deux œufs sphériques et blancs, de la grosseur de l’œuf des plus gros pigeons.

Les mâles sortent plus souvent des cavernes que les femelles, qui ne se montrent que rarement, et qui probablement sortent pendant la nuit. On peut les apprivoiser aisément, et M. de Manoncour en a vu un dans le poste hollandais du fleuve Maroni, qu’on laissait en liberté, vivre et courir avec les poules.

On les trouve en assez grande quantité dans la montagne Luca, près d’Oyapoc, et dans la montagne Courouaye, près de la rivière d’Aprouack : ce sont les seuls endroits de cette partie de l’Amérique où l’on puisse espérer de se procurer quelques-uns de ces oiseaux. On les recherche à cause de leur beau plumage, et ils sont fort rares et très chers, parce que les sauvages et les nègres, soit par superstition ou par timidité, ne veulent point entrer dans les cavernes obscures qui leur servent de retraites.