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ou d’autres petits oiseaux tout différents du mauvis. Cette petite grive est la plus intéressante de toutes, parce qu’elle est la meilleure à manger, du moins dans notre Bourgogne, et que sa chair est d’un goût très fin[1]. D’ailleurs elle se prend plus fréquemment au lacet qu’aucune autre[2] : ainsi c’est une espèce précieuse et par la qualité et par la quantité. Elle paraît ordinairement la seconde, c’est-à-dire après la grive et avant la litorne ; elle arrive en grandes bandes au mois de novembre et repart avant Noël ; elle fait sa ponte dans les bois qui sont aux environs de Dantzig[3] ; elle ne niche presque jamais dans nos cantons, non plus qu’en Lorraine, où elle arrive en avril et qu’elle abandonne sur la fin de ce même mois pour ne reparaître qu’en automne, quoiqu’elle pût trouver dans les vastes forêts de cette province une nourriture abondante et convenable ; mais du moins elle y séjourne quelque temps, au lieu qu’elle ne fait que passer en certains endroits de l’Allemagne, selon M. Frisch. Sa nourriture ordinaire, ce sont les baies et les vermisseaux, qu’elle sait fort bien trouver en grattant la terre. On la reconnaît à ce qu’elle a les plumes plus lustrées, plus polies que les autres grives, et à ce qu’elle a le bec et les yeux plus noirs que la grive proprement dite, dont elle approche pour la grosseur, et qu’elle a moins de mouchetures sur la poitrine : elle se distingue encore par la couleur orangée du dessous de l’aile, raison pourquoi on la nomme en plusieurs langues grive à ailes rouges.

Son cri ordinaire est tan, tan, kan, kan, et lorsqu’elle a aperçu un renard, son ennemi naturel, elle le conduit fort loin, comme font aussi les merles, en répétant toujours le même cri. La plupart des naturalistes remarquent qu’elle ne chante point : cela me semble trop absolu ; il faut dire qu’on ne l’entend guère chanter dans les pays où elle ne se trouve pas dans la saison de l’amour, comme en France, en Angleterre, etc. Cette restriction est d’autant plus nécessaire qu’un très bon observateur (M. Hébert) m’a assuré en avoir entendu chanter dans la Brie au printemps ; elles étaient au nombre de douze ou quinze sur un arbre, et gazouillaient à peu près comme des linottes. Un autre observateur, habitant la Provence méridionale, m’assure que le mauvis ne fait que siffler, et qu’il siffle toujours ; d’où l’on peut conclure qu’il ne niche pas dans ce pays.

  1. M. Linnæus dit le contraire, Syst. nat., p. 169. Cette différence d’un pays à l’autre dépend apparemment de celle de la nourriture ou peut-être de celle des goûts.
  2. M. Frisch et les oiseleurs assurent qu’elle ne se prend pas aisément aux lacets, quand ils sont faits de crin blanc ou de crin noir ; et il est vrai qu’en Bourgogne l’usage est de les faire de crins noirs et de crins blancs tortillés ensemble. Voyez Frisch, article de la planche 28.
  3. Klein, Ordo Avium, p. 178.

    dessus du corps est en grande partie couvert de taches allongées, arrondies ou triangulaires, d’un brun foncé ; l’œil est d’un brun de café, le bec noir, avec la base de la mandibule inférieure jaune ; les pattes sont rougeâtres. La femelle a des couleurs un peu plus ternes que le mâle. Les jeunes ont le dos brun jaunâtre, à taches jaunes, les couvertures inférieures des ailes roux de rouille. » (Brehm).