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298 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

fection. Un bouvreuil qui n’a point eu de leçons n’a que trois cris, tous fort peu agréables : le premier, je veux dire celui par lequel il débute ordinaire- ment, est une espèce de coup de sifflet ; il n’en fait d’abord entendre qu’un seul, puis deux de suite, puis trois et quatre, etc. Le son de ce sifflet est pur, et quand l’oiseau s’anime, il semble articuler cette syllabe répétée tui, tui, tui, et ses sons ont plus de force. Ensuite il fait entendre un ramage plus suivi, mais plus grave, presque enroué et dégénérant en fausset (a). Enfin, dans les intervalles il a un petit cri intérieur, sec et coupé, fort aigu, mais en même temps fort doux, et si doux qu’à peine on l’entend. Il exécute ce son, fort ressemblant à celui d’un ventriloque, sans aucun mouvement appa- rent du bec ni du gosier, mais seulement avec un mouvement sensible dans les muscles de l’abdomen. Tel est le chant du bouvreuil de la nature, c’est- à-dire du bouvreuil sauvage abandonné à lui-même, et n’ayant eu d’autre modèle que ses père et mère, aussi sauvages que lui ; mais lorsque l’homme daigne se charger de son éducation, lorsqu’il veut bien lui donner des leçons de goût, lui faire entendre avec méthode (b) des sons plus beaux, plus moelleux, mieux filés, l’oiseau docile, soit mâle, soit femelle (c), non seu- lement les imite avec justesse, mais quelquefois les perfectionne et surpasse son maître (d), sans oublier pour cela son ramage naturel. Il apprend aussi à parler sans beaucoup de peine, et à donner à ses petites phrases un accent pénétrant, une expression intéressante qui ferait presque soupçonner en lui une âme sensible, et qui peut bien nous tromper dans le disciple, puisqu’elle nous trompe si souvent dans l’instituteur. Au reste, le bouvreuil est très capable d’attachement personnel, et même d’un attachement très fort et très

cinerea, infernè rubra (Mas) cinereo-vinacea (Fœmina) ; capitis « verticè splendidè nigro ;

uropygio et imo ventre candidis ; rectricibus nigro-violaceis, lateralibus interiùs cincreo- nigricantibus, utrimque extimâ maculâ albidâ interiùs notatâ. » Pyrrhula, bouvreuil. Brisson, t. III, p. 308.

(a) Voici ce ramage, autant que l’on peut noter le ramage d’un oiseau, si, ut, ut, ut, ut, si, ré, ut, ut, ut, ut, ut, ut, si, ré, ut. Il disait encore avec cette même voix, ut, la, ut, mi, ut, la ; quelquefois ces passages étaient précédés d’un ton traîné dans le même genre, mais sans aucune inflexion, et qui ressemblait à une espèce de miaulement.

(b) On prétend que, pour bien réussir avec les bouvreuils, il faut les siffler, non pas avec le petit flageolet à serins, mais avec la flûte traversière ou la flûte à bec dont le son est plus grave et plus plein. Le bouvreuil sait aussi se rendre propre le ramage des autres oiseaux.

(c) La femelle du bouvreuil est, dit-on, la seule de toutes les femelles des oiseaux de ramage qui apprenne à siffler aussi bien que le mâle. Voyez Ædonologie, p. 87 ; voyez aussi Olina, Aldrovande, etc. Quelques-uns prétendent que sa voix est plus faible et plus douce que celle du mâle.

(d) « Je connais un curieux (dit l’auteur de l’Ædonologie, p. 89) qui, ayant sifflé tout uni ment quelques airs à un bouvreuil, a été agréablement surpris de voir que cet oiseau y avait ajouté des tournures si gracieuses, que le maître ne s’y reconnaissait pas lui-même, et avouait que son disciple l’avait surpassé. Cependant il faut avouer aussi que si les bou- vreuils sont mal montrés, ils apprendront à mal chanter : M. Hébert en a vu un qui n’avait jamais entendu siffler que des charretiers, et qui sifflait comme eux, avec la même force et la même grossièreté.