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LE PROYER. 289

et quelquefois six œufs, et tandis qu’elle les couve le mâle pourvoit à sa nourriture, et se posant sur la cime d’un arbre, il répète sans cesse son dés- agréable cri tri, tri, tri, tiritz, qu’il ne conserve que jusqu’au mois d’août ; ce cri est plus vif et plus court que celui du bruant.

On a remarqué que, lorsque le proyer s’élevait de terre pour s’aller poser sur une branche, ses pieds étaient pendants, et que ses ailes, au lieu de se mouvoir régulièrement, paraissaient agitées d’un mouvement de trépidation propre à la saison de l’amour. Le reste du temps, par exemple en automne, il vole très bien et très vite, et même il s’élève à une assez grande hauteur.

Les petits quittent le nid bien avant de pouvoir s’envoler ; ils se plaisent à courir dans l’herbe, et il semble que les père et mère ne posent leur nid à terre que pour leur en donner la facilité. Les chiens couchants les rencon- trent fort souvent lorsque l’on chasse aux cailles vertes. Les père et mère continuent de les nourrir et de veiller sur eux jusqu’à ce qu’ils soient en état de voler ; mais leur sollicitude est quelquefois indiscrète, car lorsqu’on ap- proche de la couvée ils contribuent eux-mêmes à la déceler en voltigeant au-dessus d’un air inquiet.

La famille élevée, ils se jettent par bandes nombreuses dans les plaines, surtout dans les champs d’avoine, de fèves et autres menues graines dont la récolte se fait la dernière. Ils partent un peu après les hirondelles, et il est très rare qu’il en reste quelques-uns pendant l’hiver, comme avait fait celui qui fut apporté à Gessner dans cette saison (a).

On a remarqué que le proyer ne voltige pas de branche en branche, mais qu’il se pose sur l’extrémité de la branche la plus haute, la plus isolée soit d’un arbre, soit d’un buisson, qu’au moment même il se met à chanter, qu’il s’y tient des heures entières dans la même place à répéter son ennuyeux tri, tri ; enfin qu’en prenant sa volée il fait craquer son bec (b).

La femelle chante aussi lorsque ses soins ne sont plus nécessaires à ses petits ; mais elle ne chante que perchée sur une branche et lorsque le soleil est au méridien ou qu’il en est peu éloigné ; elle se tait le reste du jour et fait très bien, car elle ne chante pas mieux que le mâle ; elle est un peu plus petite, et son plumage est à peu près le même ; tous deux se nourris- sent de graines et de petits vers qu’ils trouvent dans les prés et dans les champs. Ces oiseaux sont répandus dans toute l’Europe, ou plutôt ils em- brassent toute l’Europe dans leurs migrations ; mais Olina prétend qu’on en voit une plus grande quantité à Rome et dans les environs que partout ail- leurs. Les oiseleurs les gardent en cage pour leur servir d’appeaux ou d’ap- pelants dans leurs petites chasses d’automne, et ces appeaux attirent dans le piège non seulement des bruants fous, mais encore plusieurs autres petits

(a) De avibus, page 654.

(b) La plupart de ces faits m’ont été communiqués par M. Hébert.