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et dans le bon goût de sa chair[1]. M. Salerne remarque que son cri est à peu près le même, et que c’est d’après ce cri, semblable, dit-il, à celui de l’ortolan, qu’on l’appelle dans l’Orléanais binery.

Le bruant fait plusieurs pontes, la dernière en septembre : il pose son nid à terre, sous une motte, dans un buisson, sur une touffe d’herbe, et dans tous ces cas il le fait assez négligemment ; quelquefois il l’établit sur les basses branches des arbustes, mais alors il le construit avec un peu plus de soin ; la paille, la mousse et les feuilles sèches sont les matériaux qu’il emploie pour le dehors ; les racines et la paille plus menue, le crin et la laine, sont ceux dont il se sert pour matelasser le dedans ; ses œufs, le plus souvent au nombre de quatre ou cinq, sont tachetés de brun de différentes nuances, sur un fond blanc, mais les taches sont plus fréquentes au gros bout. La femelle couve avec tant d’affection, que souvent elle se laisse prendre à la main en plein jour. Ces oiseaux nourrissent leurs petits de graines, d’insectes et même de hannetons, ayant la précaution d’ôter à ceux-ci les enveloppes de leurs ailes, qui seraient trop dures. Ils sont granivores, mais on sait bien que cette qualité ne leur interdit pas les insectes : le millet et le chènevis sont les graines qu’ils aiment le mieux. On les prend au lacet avec un épi d’avoine pour tout appât, mais ils ne se prennent pas, dit-on, à la pipée ; ils se tiennent l’été autour des bois, le long des haies et des buissons, quelquefois dans les vignes, mais presque jamais dans l’intérieur des forêts : l’hiver, une partie change de climat ; ceux qui restent se rassemblant entre eux, et se réunissant avec les pinsons, les moineaux, etc., forment des troupes très nombreuses, surtout dans les jours pluvieux : ils s’approchent des fermes, et même des villes et des grands chemins, où ils trouvent leur nourriture sur les buissons et jusque dans la fiente des chevaux, etc. : dans cette saison ils sont presque aussi familiers que les moineaux[2]. Leur vol est rapide, ils se posent au moment où on s’y attend le moins, et presque toujours dans le plus épais du feuillage, rarement sur une branche isolée. Leur cri ordinaire est composé de sept notes, dont les six premières égales et sur le même ton, et la dernière plus aiguë et plus traînée : ti, ti, ti, ti, ti, ti, ti[3].

Les bruants sont répandus dans toute l’Europe, depuis la Suède jusqu’à

  1. Sa chair est jaune, et l’on n’a pas manqué de dire que c’était un remède contre la jaunisse, et même que pour guérir de ce mal, il ne fallait que regarder l’oiseau, lequel prenait la jaunisse du regardant et mourait. Voyez Schwenckfeld.
  2. Frisch dérive leur nom allemand ammer ou hammer du mot ham qui signifie maison ; ammer dans cette hypothèse signifierait domestique.
  3. Selon quelques-uns ils ont encore un autre cri, vignerot, vignerot, vignerot, titchye : Olina dit qu’ils imitent en partie le ramage des pinsons, avec lesquels ils volent en troupes Frisch dit qu’ils prennent aussi quelque chose du chant du canari lorsqu’ils l’entendent étant jeunes, et il ajoute que le métis provenant du mâle bruant et de la femelle canari, chante mieux que son père. Enfin M. Guys assure que le chant du mâle bruant devient agréable à l’approche du mois d’août ; Aldrovande parle aussi de son beau ramage.