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LA LITORNE

Cette grive[NdÉ 1] est la plus grosse après la draine, et ne se prend guère plus qu’elle à la pipée, mais elle se prend comme elle au lacet : elle diffère des autres grives par son bec jaunâtre, par ses pieds d’un brun plus foncé, et par la couleur cendrée, quelquefois variée de noir, qui règne sur sa tête, derrière son cou et sur son croupion.

Le mâle et la femelle ont le même cri, et peuvent également servir pour attirer les litornes sauvages dans le temps du passage[1] ; mais la femelle se distingue du mâle par la couleur de son bec, laquelle est beaucoup plus obscure. Ces oiseaux, qui nichent en Pologne et dans la basse Autriche[2], ne nichent point dans notre pays : ils y arrivent en troupes, après les mauvis, vers le commencement de décembre, et crient beaucoup en volant[3] ; ils se tiennent alors dans les friches où croît le genièvre, et lorsqu’ils reparaissent au printemps[4], ils préfèrent le séjour des prairies humides, et en général ils fréquentent beaucoup moins les bois que les deux espèces précédentes. Quelquefois ils font, dès le commencement de l’automne, une première et courte apparition dans le moment de la maturité des alises, dont ils sont très avides, et ils n’en reviennent pas moins au temps accoutumé. Il n’est pas rare de voir les litornes se rassembler au nombre de deux ou trois mille dans un endroit où il y a des alises mûres, et elles les mangent si avidement qu’elles en jettent la moitié par terre. On les voit aussi fort souvent, après les pluies, courir dans les sillons pour attraper les vers et les limaces. Dans les fortes gelées, elles vivent de gui, du fruit de l’épine blanche et d’autres baies[5].

On peut conclure, de ce qui vient d’être dit, que les litornes ont les mœurs différentes de celles de la grive ou de la draine, et beaucoup plus sociales. Elles vont quelquefois seules ; mais le plus souvent elles forment, comme je l’ai remarqué, des bandes très nombreuses, et, lorsqu’elles se sont ainsi réunies, elles voyagent et se répandent dans les prairies sans se séparer ; elles se jettent aussi toutes ensemble sur un même arbre à certaines heures du jour, ou lorsqu’on les approche de trop près.

M. Linnæus parle d’une litorne qui, ayant été élevée chez un marchand

  1. Voyez Frisch, planche 20.
  2. Klein, De avibus, p. 178. — Kramer, Elenchus, p. 361.
  3. Voyez Rzaczynski, Auctuarium, etc., p. 424.
  4. Elles arrivent en Angleterre vers le commencement d’octobre, et elles s’en vont au mois de mars. Voyez la Zoologie britannique, p. 90.
  5. M. le docteur Lottinger.
  1. Turdus pilaris L. [Note de Wikisource : actuellement Turdus pilaris Linnæus, vulgairement grive litorne].