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On ne peut nier que la délicatesse de leur chair, ou plutôt de leur graisse, n’ait plus contribué à leur célébrité que la beauté de leur ramage : cependant lorsqu’on les tient en cage ils chantent au printemps, à peu près comme le bruant ordinaire, et chantent, ainsi que je l’ai dit plus haut, la nuit comme le jour, ce que ne fait pas le bruant. Dans les pays où il y a beaucoup de ces oiseaux, et où par conséquent ils sont bien connus, comme en Lombardie, non seulement on les engraisse pour la table, mais on les élève aussi pour le chant, et M. Salerne trouve que leur voix a de la douceur. Cette dernière destination est la plus heureuse pour eux et fait qu’ils sont mieux traités et qu’ils vivent davantage, car on a intérêt de ne point abréger leur vie et de ne point étouffer leur talent en les excédant de nourriture. S’ils restent longtemps avec d’autres oiseaux, ils prennent quelque chose de leur chant, surtout lorsqu’ils sont fort jeunes ; mais je ne sache pas qu’on leur ait jamais appris à prononcer des mots ni à chanter des airs de musique.

Ces oiseaux arrivent ordinairement avec les hirondelles ou peu après, et ils accompagnent les cailles ou les précèdent de fort peu de temps. Ils viennent de la basse Provence et remontent jusqu’en Bourgogne, surtout dans les cantons les plus chauds où il y a des vignes : ils ne touchent cependant point aux raisins, mais ils mangent les insectes qui courent sur les pampres et sur les tiges de la vigne. En arrivant ils sont un peu maigres parce qu’ils sont en amour[1]. Ils font leurs nids sur les ceps et les construisent assez négligemment, à peu près comme ceux des alouettes : la femelle y dépose quatre ou cinq œufs grisâtres, et fait ordinairement deux pontes par an. Dans d’autres pays, tels que la Lorraine, ils font leurs nids à terre, et par préférence dans les blés.

La jeune famille commence à prendre le chemin des provinces méridionales dès les premiers jours du mois d’août ; les vieux ne partent qu’en septembre et même sur la fin. Ils passent dans le Forez, s’arrêtent aux environs de Saint-Chaumont et de Saint-Étienne ; ils se jettent dans les avoines, qu’ils aiment beaucoup ; ils y demeurent jusqu’aux premiers froids, s’y engraissent et deviennent pesants au point qu’on les pourrait tuer à coups de bâton : dès que le froid se fait sentir, ils continuent leur route pour la Provence ; c’est alors qu’ils sont bons à manger, surtout les jeunes ; mais il est plus difficile de les conserver que ceux que l’on prend au premier passage. Dans le Béarn, il y a pareillement deux passes d’ortolans, et par conséquent deux chasses, l’une au mois de mai et l’autre au mois d’octobre.

Quelques personnes regardent ces oiseaux comme étant originaires d’Italie, d’où ils se sont répandus en Allemagne et ailleurs ; cela n’est pas

  1. On peut cependant les engraisser malgré le désavantage de la saison, en commençant de les nourrir avec de l’avoine, et ensuite avec le chènevis, le millet, etc.