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fois dans le même ordre : l’hiver, on ne les entend plus. Le mâle ne diffère extérieurement de la femelle que parce qu’il a plus de noir dans son plumage.

Ces oiseaux sont tout à fait pacifiques : on ne les voit jamais se battre entre eux, et, avec cette douceur de mœurs, ils n’en sont pas moins attentifs à leur conservation ; ils sont même plus méfiants que les merles, qui passent pour l’être beaucoup, car on prend nombre de ceux-ci à la pipée, et l’on n’y prend jamais de draines : mais, comme il est difficile d’éviter tous les pièges, elle se prend quelquefois au lacet, moins cependant que la grive proprement dite et le mauvis.

Belon assure que la chair de la draine, qu’il appelle grande grive, est de meilleur goût que celle des trois autres espèces[1] ; mais cela est contredit par tous les autres naturalistes et par notre propre expérience. Il est vrai que nos draines ne vivent pas d’olives, ni nos petites grives de gui, comme celles dont il parle, et l’on sait jusqu’à quel point la différence de nourriture peut influer sur la qualité et le fumet du gibier.


VARIÉTÉ DE LA DRAINE

La seule variété que je trouve dans cette espèce, c’est la draine blanchâtre observée par Aldrovande[2] : elle avait les pennes de la queue et des ailes d’une couleur faible et presque blanchâtre, et la tête cendrée, ainsi que tout le dessus du corps.

Il faut remarquer dans cette variété l’altération et la couleur des pennes des ailes et de la queue, lesquelles on regarde ordinairement comme moins sujettes au changement et comme étant, pour ainsi dire, de meilleur teint que toutes les autres plumes.

Je dois ajouter ici qu’il y a toujours des draines qui nichent au Jardin du Roi sur les arbres effeuillés : elles paraissent très friandes de la graine de l’if et en mangent tant que leur fiente en est rouge ; elles sont aussi fort avides de la graine de micocoulier.

En Provence, on a une sorte d’appeau avec lequel on imite en automne le chant que les draines et les grives font entendre au printemps ; on se cache dans une loge de verdure, d’où l’on peut découvrir par une petite fenêtre une perche que l’on a attachée sur un arbre à portée ; l’appeau attire les grives sur cette perche, où elles accourent croyant trouver leurs semblables : elles n’y trouvent que les embûches de l’homme et la mort ; on les tue de la loge à coups de fusil.

  1. Belon, Nature des oiseaux, p. 326.
  2. Tome II, p. 594.