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une partie continue sa route et s’en va, toujours par bandes, dès le commencement de l’hiver, tandis qu’une autre partie demeure jusqu’au mois de mars, et même plus longtemps ; car il en reste toujours beaucoup pendant l’été, tant en Bourgogne qu’en plusieurs autres provinces de France et d’Allemagne, de Pologne, etc.[1]. Il en reste même une si grande quantité en Italie et en Angleterre, qu’Aldrovande a vu les jeunes de l’année se vendre dans les marchés[2], et qu’Albin ne regarde point du tout les draines comme oiseaux de passage[3]. Celles qui restent pondent, comme on voit, et couvent avec succès : elles établissent leur nid tantôt sur des arbres de hauteur médiocre, tantôt sur la cime des plus grands arbres, préférant ceux qui sont les plus garnis de mousse ; elles le construisent tant en dehors qu’en dedans avec des herbes, des feuilles et de la mousse, mais surtout de la mousse blanche, et ce nid ressemble moins à ceux des autres grives qu’à celui du merle, ne fût-ce qu’en ce qu’il est matelassé en dedans. Elles produisent à chaque ponte quatre ou cinq œufs gris tachetés[4], et nourrissent leurs petits avec des chenilles, des vermisseaux, des limaces, et même des limaçons, dont elles cassent la coquille. Pour elles, elles mangent toutes sortes de baies pendant la bonne saison, des cerises, des cornouilles, des raisins, des alises, des olives, etc. ; pendant l’hiver, des graines de genièvre, de houx, de lierre et de nerprun, des prunelles, des senelles, de la faîne et surtout du gui[5]. Leur cri d’inquiétude est tré, tré, tré, tré, d’où paraît formé leur nom bourguignon draine, et même quelques-uns de leurs noms anglais ; au printemps, les femelles n’ont pas un cri différent, mais les mâles chantent alors fort agréablement, se plaçant à la cime des arbres, et leur ramage est coupé par phrases différentes qui ne se succèdent jamais deux

    trouve entre une autre observation que le même M. Lottinger m’a communiquée et celle d’un ornithologiste très habile : celui-ci (M. Hébert) prétend qu’en Brie les grives ne se réunissent dans aucun temps de l’année, et M. Lottinger assure qu’en Lorraine elles volent toujours par troupes, soit au printemps, soit en automne, et en effet nous les voyons arriver par bandes aux environs de Montbard, comme je l’ai remarqué ; leurs allures seraient-elles différentes en des pays ou en des temps différents ? Cela n’est pas sans exemple ; et je crois devoir ajouter ici, d’après une observation plus détaillée, que le passage du mois de novembre étant fini, celles qui restent l’hiver dans nos cantons vivent séparément et continuent de vivre ainsi jusqu’après la couvée ; en sorte que les assertions des deux observateurs se trouvent vraies, pourvu qu’on leur ôte leur trop grande généralité et qu’on les restreigne à un certain temps et à de certains lieux.

  1. Rzaczynski, Auctuarium, p. 423.
  2. Ornithologia, t. II, p. 5.
  3. Albin, t. Ier, p. 28. Les auteurs de la Zoologie britannique ne disent point non plus que ce soit un oiseau de passage.
  4. « Ces oiseaux, dit Albin, ne pondent guère plus de quatre ou cinq œufs ; ils en couvent trois, et n’ont jamais plus de quatre petits. » Je ne rapporte ce passage que pour faire voir avec quelle négligence cet ouvrage a été traduit, et combien on doit être en garde contre les fautes que cette traduction a ajoutées à celles de l’original.
  5. Suivant Belon, elles mangent l’été le gui des sapins, et l’hiver celui des arbres fruitiers. Nature des oiseaux, p. 326.