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plus familier : on peut même l’accoutumer à venir se poser sur la main au bruit d’une sonnette ; il ne s’agit que de la faire sonner dans les commencements, chaque fois qu’on lui donne à manger ; car la mécanique subtile de l’association des perceptions a aussi lieu chez les animaux. Quoique le tarin semble choisir avec soin sa nourriture, il ne laisse pas de manger beaucoup, et les perceptions qui tiennent de la gourmandise paraissent avoir une grande influence sur lui ; cependant ce n’est point là sa passion dominante, ou du moins elle est subordonnée à une passion plus noble ; il se fait toujours un ami dans la volière parmi ceux de son espèce, et à leur défaut parmi d’autres espèces ; il se charge de nourrir cet ami comme son enfant et de lui donner la becquée ; il est assez singulier que sentant si vivement le besoin de consommer, il sente encore plus vivement le besoin de donner. Au reste, il boit autant qu’il mange, ou du moins il boit très souvent[1], mais il se baigne peu : on a observé qu’il entre rarement dans l’eau, mais qu’il se met sur le bord de la baignoire, et qu’il y plonge seulement le bec et la poitrine sans faire beaucoup de mouvements[2], excepté peut-être dans les grandes chaleurs.

On prétend qu’il niche dans les îles du Rhin, en Franche-Comté, en Suisse, en Grèce, en Hongrie, et par préférence dans les forêts en montagne. Son nid est fort difficile à trouver[3], et si difficile que c’est une opinion reçue parmi le peuple que ces petits oiseaux savent le rendre invisible par le moyen d’une certaine pierre : aussi personne ne nous a donné de détails sur la ponte des tarins. M. Frisch dit qu’ils font ou plutôt qu’ils cachent leur nid dans des trous : M. Cramer croit qu’ils le cachent dans les feuilles, et que c’est la raison pourquoi on n’en trouve point ; mais on sent bien que cela n’est pas applicable à la plupart de nos provinces, autrement il faudrait que les tarins eux-mêmes demeurassent aussi cachés tout l’été dans les mêmes trous, puisqu’on n’y en voit jamais dans cette saison.

Si l’on voulait prendre une idée de leurs procédés dans les diverses opé-

  1. Aussi les oiseleurs en prennent-ils beaucoup à l’abreuvoir.
  2. Observé par M. Daubenton le jeune.
  3. « Nos oiseleurs Orléanais, dit M. Salerne, p. 288, conviennent qu’il est comme inouï que quelqu’un ait découvert le nid du tarin ; cependant ils présument qu’il en reste quelques-uns dans le pays qui font leur nid le long du Loiret, dans les aunes, où ils se plaisent beaucoup, d’autant plus qu’ils en prennent quelquefois aux gluaux ou au trébuchet, qui sont encore tout jeunes. M. Colombeau m’a assuré en avoir trouvé un nid où il y avait cinq œufs à la blanchisserie de M. Hery de la Salle. » Salerne, Histoire naturelle des oiseaux, p. 288. M. Cramer assure que l’on voit dans les forêts qui bordent le Danube, des milliers de jeunes tarins qui n’ont pas encore quitté leurs premières plumes, et que cependant il est très rare d’en trouver dans le nid. Un jour qu’il herborisait dans ces forêts avec un de ses amis, vers le 15 de juin, ils virent tous deux un mâle et une femelle tarin aller souvent sur un aune, le bec plein de nourriture, comme pour donner la béquée à leurs petits ; ils les virent autant de fois s’éloigner de ce même arbre, n’ayant plus rien dans le bec, pour y revenir encore : ayant cherché avec tout le soin possible, ils ne purent ni trouver, ni même entendre les petits. Elenchus Austriæ inferioris, p. 366.