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ments vifs. Quelques naturalistes frappés de ces traits de ressemblance et de la grande analogie de nature qui se trouve entre ces oiseaux, puisqu’ils s’apparient et produisent ensemble des métis féconds, les ont regardés comme deux espèces voisines appartenantes au même genre[1] : on pourrait même, sous ce dernier point de vue, les rapporter avec tous nos granivores, comme autant de variétés ou, si l’on veut, de races constantes, à une seule et même espèce, puisque tous se mêlent et produisent ensemble des individus féconds. Mais cette analogie fondamentale entre ces races diverses doit nous rendre plus attentifs à remarquer leurs différences, afin de pouvoir reconnaître l’étendue des limites dans lesquelles la nature semble se jouer, et qu’il faut avoir mesurées, ou du moins estimées par approximation, avant d’oser déterminer l’identité des espèces.

Le tarin est plus petit que le chardonneret ; il a le bec un peu plus court à proportion, et son plumage est tout différent ; il n’a point de rouge sur la tête, mais du noir ; la gorge brune ; le devant du cou, la poitrine et les pennes latérales de la queue jaunes ; le ventre blanc-jaunâtre ; le dessus du corps d’un vert d’olive moucheté de noir, qui prend une teinte de jaune sur le croupion, et plus encore sur les couvertures supérieures de la queue.

À l’égard des qualités plus intérieures et qui dépendent immédiatement de l’organisation ou de l’instinct, les différences sont encore plus grandes. Le tarin a un chant qui lui est particulier, et qui ne vaut pas celui du chardonneret ; il recherche beaucoup la graine de l’aune, à laquelle le chardonneret ne touche point, et il ne lui dispute guère celle de chardon ; il grimpe le long des branches et se suspend à leur extrémité comme la mésange, en sorte qu’on pourrait le regarder comme une espèce moyenne entre la mésange et le chardonneret : de plus, il est oiseau de passage, et dans ses migrations il a le vol fort élevé ; on l’entend plutôt qu’on ne l’aperçoit ; au lieu que le chardonneret reste toute l’année dans nos pays et ne vole jamais bien haut ; enfin l’on ne voit pas ces deux races faire volontairement société entre elles.

Le tarin apprend à faire aller la galère comme le chardonneret ; il n’a pas moins de docilité que lui, et, quoique moins agissant, il est plus vif à certains égards, et vif par gaieté : toujours éveillé le premier dans la volière, il est aussi le premier à gazouiller et à mettre les autres en train[2] ; mais comme il ne cherche point à nuire, il est sans défiance et donne dans tous les pièges, gluaux, trébuchets, filets, etc. On l’apprivoise plus facilement qu’aucun autre oiseau pris dans l’âge adulte ; il ne faut pour cela que lui présenter habituellement dans la main une nourriture mieux choisie que celle qu’il a à sa disposition, et bientôt il sera aussi apprivoisé que le serin le

  1. MM. Barrère et Brisson, aux endroits cités.
  2. Les oiseleurs l’appellent vulgairement boute-en-train.