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troupes. On voit, par le témoignage des voyageurs, qu’il pousse quelquefois ses excursions jusqu’au Groënland[1]. M. Frisch nous apprend qu’en Allemagne il passe en octobre et en novembre, et qu’il repasse en février.

J’ai dit qu’il tenait plus du tarin que de la linotte : c’était l’avis de Gesner[2], et c’est celui de M. le docteur Lottinger, qui connaît bien ces petits oiseaux. M. Frisch va plus loin, car, selon lui, le tarin peut servir d’appeau pour attirer les sizerins dans les pièges au temps du passage, et ces deux espèces se mêlent et produisent ensemble. Aldrovande a trouvé au sizerin beaucoup de ressemblance avec le chardonneret, et l’on sait qu’un chardonneret approche fort d’un tarin qui aurait du rouge sur la tête. Un oiseleur, qui a beaucoup de pratique et peu de lecture, m’a assuré, en voyant la figure enluminée du sizerin, qu’il avait pris plusieurs fois des oiseaux semblables à celui-là, pêle-mêle avec des tarins auxquels ils ressemblaient fort, mais surtout les femelles aux femelles : seulement elles ont le plumage plus rembruni et la queue plus courte. Enfin, M. Linnæus remarque que ces oiseaux se plaisent dans les lieux plantés d’aunes, et Schwenckfeld met la graine d’aune parmi celles dont ils sont friands : or on sait que les tarins aiment beaucoup la graine de cet arbre, ce qui est un nouveau trait de conformité entre ces deux espèces : d’ailleurs les sizerins ne mangent point de navette comme la linotte, mais bien du chènevis, de la graine d’ortie grièche, de chardons, de lin, de pavots, les boutons des jeunes branches de chêne, etc. ; ils se mêlent volontiers aux autres oiseaux ; l’hiver est la saison où ils sont le plus familiers, on les approche alors de très près sans les effaroucher[3] ; en général ils sont peu défiants et se prennent facilement aux gluaux.

Le sizerin fréquente les bois, il se tient souvent sur les chênes, y grimpe comme les mésanges, et s’accroche, comme elles, à l’extrémité des petites branches ; c’est de là que lui est venu probablement le nom de linaria truncalis, et peut-être celui de petit chêne.

Les sizerins prennent beaucoup de graisse et sont un fort bon manger ; Schwenckfeld dit qu’ils ont un jabot comme les poules, indépendamment de

  1. « Il vient l’été au Groënland un autre oiseau qui approche de la linotte, quoiqu’il soit plus petit : on le distingue à la tête, qui est en partie d’un rouge de sang ; on peut l’apprivoiser et le nourrir de gruau pendant l’hiver… Il en vient quelquefois des vols entiers à bord des vaisseaux comme un nuage poussé par les vents, à quatre-vingts et cent lieues de la terre. Il a un chant très agréable. » Continuation de l’histoire des voyages, t. Ier, p. 42. Seraient-ce les mêmes oiseaux que l’on nourrit à la Chine dans des cages pour les faire combattre ? « Ces oiseaux ressemblent, dit-on, aux linottes, et comme ils sont grands voyageurs, il serait moins surprenant de les trouver dans un pays si éloigné. » Navarette, page 40.
  2. « Magnitudine et figurâ rostri ad ligurinum accedit : colore differt. » De Avibus, page 591.
  3. Ces observations sont de M. Lottinger. Schwenckfeld rapporte qu’on prit une quantité prodigieuse de sizerins au commencement de l’hiver de l’an 1602.