Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de croire (si tous ces individus appartiennent à la même espèce), que le plumage des grives d’Amérique n’est pas moins variable que celui de nos grives d’Europe, et qu’elles sortent toutes d’une souche commune. Cette conjecture est fortifiée par le grand nombre de rapports qu’a l’oiseau dont il s’agit ici avec nos grives et dans sa forme, et dans son port, et dans son habitude de voyager, et dans celle de se nourrir de baies, et dans la couleur jaune de ses parties intérieures, observée par M. Sloane, et dans les mouchetures de la poitrine ; mais il paraît avoir des rapports encore plus particuliers avec la grive proprement dite et le mauvis qu’avec les autres, et ce n’est qu’en comparant les traits de conformité que l’on peut déterminer à laquelle de ces deux espèces elle doit être spécialement rapportée.

Cet oiseau est plus petit qu’aucune de nos grives, comme sont en général tous les oiseaux d’Amérique relativement à ceux de l’ancien continent ; il ne chante point, non plus que le mauvis ; il a moins de mouchetures que le mauvis, qui en a moins qu’aucune de nos quatre espèces ; enfin sa chair est, comme celle du mauvis, un très bon manger. Tels sont les rapports de la grive de Canada avec notre mauvis ; mais elle en a davantage, et, à mon avis, de beaucoup plus décisifs, avec notre grive proprement dite, à laquelle elle ressemble par les barbes qu’elle a autour du bec, par une espèce de plaque jaunâtre qu’on lui voit sur la poitrine, par sa facilité à devenir sédentaire dans tout pays où elle trouve sa subsistance, par son cri assez semblable au cri d’hiver de la grive, et par conséquent fort peu agréable, comme sont ordinairement les cris de tous les oiseaux de ces contrées sauvages habitées par des sauvages ; et si l’on ajoute à tous ces rapports l’induction résultante de ce que la grive et non le mauvis se trouve en Suède[1], d’où elle aura pu facilement passer en Amérique, il semble qu’on sera en droit de conclure que la grive de Canada doit être rapportée à notre grive proprement dite.

Cette grive, qui, comme je l’ai dit, est passagère dans le nord de l’Amérique, arrive en Pensylvanie au mois d’avril ; elle y reste tout l’été, pendant lequel temps elle fait sa ponte et élève ses petits. Catesby nous apprend qu’on voit peu de ces grives à la Caroline, soit parce qu’il n’y en reste qu’une partie de celles qui y arrivent, ou parce que, comme on l’a vu plus haut, elles se tiennent cachées dans les bois ; elles se nourrissent de baies de houx, d’aubépine, etc.

Les sujets décrits par M. Sloane avaient les ouvertures des narines plus amples et les pieds plus longs que ceux décrits par Catesby et M. Brisson ;

  1. M. Brisson prend pour le mauvis le Turdus alis subtus ferrugineis, etc., no 189 de la Fauna Suecica ; mais il paraît que c’est une méprise, puisque M. Linnæus le donne pour un oiseau qui chante très bien et pour le même que le Turdus viscivorus minor, que le Turdus simpliciter dictus de M. Ray, et que le Turdus musicus, lequel est la quatrième grive du Syst. nat., p. 169, et certainement notre grive proprement dite.