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de fois sur elle avant d’en venir à l’acte décisif, et à chaque fois elle épanouit ses ailes et fait entendre de petits cris ; mais lorsque enfin cette femelle si bien préparée est devenue mère, il est fort assidu à remplir les devoirs de père, soit en l’aidant à faire le nid[1], soit en lui portant la nourriture tandis qu’elle couve ses œufs ou qu’elle élève ses petits.

Quoique les couvées réussissent quelquefois entre une serine et un chardonneret sauvage pris au battant, néanmoins on conseille d’élever ensemble ceux dont on veut tirer de la race, et de ne les apparier qu’à l’âge de deux ans ; les métis qui résultent de ces unions forcées ressemblent plus à leur père par la forme du bec, par les couleurs de la tête, des ailes, en un mot par les extrémités, et à leur mère par le reste du corps ; on a encore observé qu’ils étaient plus forts et vivaient plus longtemps ; que leur ramage naturel avait plus d’éclat, mais qu’ils adoptaient difficilement le ramage artificiel de notre musique[2].

Ces métis ne sont point inféconds, et, lorsqu’on vient à bout de les apparier avec une serine, la seconde génération qui provient de ce mélange se rapproche sensiblement de l’espèce du chardonneret[3], tant l’empreinte masculine a de prépondérance dans l’œuvre de la génération.

Le chardonneret a le vol bas, mais suivi et filé comme celui de la linotte, et non pas bondissant et sautillant comme celui du moineau. C’est un oiseau actif et laborieux : s’il n’a pas quelques têtes de pavots, de chanvre ou de chardons à éplucher pour le tenir en action, il portera et rapportera sans cesse tout ce qu’il trouvera dans sa cage. Il ne faut qu’un mâle vacant de cette espèce dans une volière de canaris pour faire manquer toutes les pontes ; il inquiétera les couveuses, se battra avec les mâles, défera les nids, cassera les œufs. On ne croirait pas qu’avec tant de vivacité et de pétulance les chardonnerets fussent si doux et même si dociles. Ils vivent en paix les uns avec les autres : ils se recherchent, se donnent des marques d’amitié en toute saison, et n’ont guère de querelles que pour la nourriture. Ils sont moins pacifiques à l’égard des autres espèces ; ils battent les serins et les linottes, mais ils sont battus à leur tour par les mésanges. Ils ont le singulier instinct de vouloir toujours se coucher au plus haut de la volière, et l’on sent bien que c’est une occasion de rixe lorsque d’autres oiseaux ne veulent point leur céder la place.

À l’égard de la docilité du chardonneret, elle est connue : on lui apprend, sans beaucoup de peine, à exécuter divers mouvements avec précision, à faire le mort, à mettre le feu à un pétard, à tirer de petits seaux qui con-

    il paraît fort animé ; et l’on a vu plus d’un mâle tomber d’épilepsie dans le temps où ils étaient le plus en amour, et où ils chantaient le plus fort.

  1. Ils y emploient, dit-on, par préférence la mousse et le petit foin.
  2. Voyez ci-dessus l’histoire du serin.
  3. M. Hebert.