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Un chasseur, qui avait voyagé, m’a assuré que ces oiseaux nichaient dans le Luxembourg ; qu’ils posaient leurs nids sur les sapins les plus branchus, assez haut ; qu’ils commençaient à y travailler sur la fin d’avril ; qu’ils y employaient la longue mousse des sapins au dehors, du crin, de la laine et des plumes au dedans ; que la femelle pondait quatre ou cinq œufs jaunâtres et tachetés, et que les petits commençaient à voltiger de branche en branche dès la fin de mai.

Le pinson d’Ardenne est, selon Belon, un oiseau courageux et qui se défend avec son bec jusqu’au dernier soupir ; tous conviennent qu’il est d’un naturel plus doux que notre pinson ordinaire, et qu’il donne plus facilement dans les pièges ; on en tue beaucoup à certaines chasses que l’on pratique dans le pays de Weissembourg et qui méritent d’être connues : on se rassemble pour cela dans la petite ville de Bergzabern, et le jour étant pris on envoie la veille des observateurs à la découverte pour remarquer les arbres sur lesquels ils ont coutume de se poser le soir ; c’est communément sur de petits picéas et sur d’autres arbres toujours verts : ces observateurs de retour servent de guides à la troupe, elle part le soir avec des flambeaux et des sarbacanes ; les flambeaux servent à éblouir les oiseaux et à éclairer les chasseurs ; les sarbacanes servent à ceux-ci pour tuer les pinsons avec de petites boules de terre sèche : on les tire de très près, afin de ne les point manquer ; car s’il y en avait un seul qui ne fût que blessé, ses cris donneraient infailliblement l’alarme aux autres, et bientôt ils s’envoleraient tous à la fois.

La nourriture principale de ceux que l’on veut avoir en cage, c’est le panis, le chènevis, la faîne, etc. Olina dit qu’ils vivent quatre ou cinq ans.

Leur plumage est sujet à varier dans les différents individus : quelques mâles ont la gorge noire, et d’autres ont la tête absolument blanche et les couleurs plus faibles[1]. Frisch remarque que les jeunes mâles, lorsqu’ils arrivent, ne sont pas si noirs et n’ont pas les couvertures inférieures des ailes d’un jaune si vif que lorsqu’ils s’en retournent ; il peut se faire que l’âge plus avancé amène encore d’autres différences dans les deux sexes, et de là toutes celles que l’on remarque dans les descriptions.

Le pinson que j’ai observé pesait une once ; il avait le front noir, le dessus de la tête et du cou et le haut du dos varié de gris jaunâtre et de noir lustré ; la gorge, le devant du cou, la poitrine et le croupion d’un roux clair ; les petites couvertures de la base de l’aile d’un jaune orangé ; les autres formaient deux raies transversales d’un blanc jaunâtre, séparées par une bande noire plus large ; toutes les pennes de l’aile, excepté les trois premières, avaient sur leur bord extérieur, à l’endroit où finissaient les

  1. Voyez Aldrovande, p. 821. M. Brisson en a fait une variété marquée A, qu’il nomme montifringilla leucocephalos, t. III, p. 159.