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LE PINSON D’ARDENNE[1]

Il pourrait se faire que ce pinson[NdÉ 1], qui passe généralement pour le pinson de montagne ou l’orospiza d’Aristote, ne fût que son spiza ou son pinson proprement dit ; et que notre pinson ordinaire, qui passe généralement pour son spiza, fût son véritable orospiza ou pinson de montagne. Voici mes raisons.

Les anciens ne faisaient point de descriptions complètes ; mais ils disaient un mot, soit des qualités extérieures, soit des habitudes ; et ce mot indiquait ordinairement ce qu’il y avait de plus remarquable dans l’animal. L’orospiza, dit Aristote[2], est semblable au spiza ; il est un peu moins gros, il a le cou bleu, enfin il se tient dans les montagnes : or toutes ces propriétés appartiennent à notre pinson ordinaire, et quelques-unes d’elles lui appartiennent exclusivement.

1o Il a beaucoup de ressemblance avec le pinson d’Ardenne par la supposition même, et pour s’en convaincre, il ne faut que les comparer l’un à l’autre ; d’ailleurs il n’est pas un seul méthodiste qui n’ait rapporté ces deux espèces au même genre ;

2o Notre pinson ordinaire est un peu plus petit que le pinson d’Ardenne, suivant le témoignage des naturalistes et suivant ce que j’ai observé moi-même ;

3o Notre pinson ordinaire a le dessus de la tête et du cou d’un cendré bleuâtre[3] ; au lieu que dans le pinson d’Ardenne ces mêmes parties sont variées de noir lustré et de gris jaunâtre ;

4o Nous avons remarqué ci-dessus, d’après Olina, qu’en Italie notre pinson ordinaire se retire l’été dans les montagnes pour y nicher ; et comme le climat de la Grèce est fort peu différent de celui de l’Italie, on peut supposer par analogie, à défaut d’observation, qu’en Grèce notre pinson ordinaire niche aussi sur les montagnes[4] ;

  1. Pinson de montagne, fringilla montana, hyberna, etc. : en Savoie, quinçon de montagne ; en Sologne, ardenet, pinson des Ardennes ; à Orléans, pichot mondain ou pichot de mer ; ébourgeonneau ou pinson d’Artois, selon Fortin, dans ses Ruses innocentes. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 269. — Quoique les pinsons d’Ardenne et autres aient les bords du bec échancrés près de la pointe, M. Brisson les a admis dans le genre du moineau dont l’un des caractères est d’avoir les deux mandibules droites et entières.
  2. Hist. animalium, lib. viii, cap. iii.
  3. « Caput in mare cærulescit », dit Willughby.
  4. Frisch prétend que les pinsons d’Ardenne viennent des montagnes en automne, et que lorsqu’ils s’en retournent, ils prennent le chemin des montagnes du nord. M. le marquis de Piolenc, qui m’a donné plusieurs notes sur ces oiseaux, m’assure qu’ils partent dans le mois d’octobre des montagnes de Savoie et de Dauphiné, et qu’ils y reviennent au mois de février :
  1. Fringilla montifringilla L. [Note de Wikisource : actuellement Fringilla montifringilla Linnæus, vulgairement pinson du Nord].